Professeur associé à l'université Pierre Mendès-France de Grenoble, Sadek Boussena est également conseiller spécialisé en énergie auprès de la Société Générale. Il a occupé les postes de ministre de l'Energie (1988 à 1991), de président-directeur général de Sonatrach et de président de l'OPEP (1989 à 1991). Les pays de l'OPEP ont décidé de ne pas réduire encore leur production, dimanche à Vienne. Aussitôt, le marché pétrolier a négativement réagi. Pensez-vous que la décision de l'OPEP de maintenir identiques les quotas de production de brut jusqu'à une prochaine réunion, fin mai, était un choix judicieux ? Il était beau, dans le contexte actuel de crise économique internationale, que l'OPEP apporte sa contribution en ne se montrant pas trop égoïste et en comprenant que son intérêt (un meilleur prix) doit aller de pair avec une amélioration de la fluctuation économique internationale. Cela est d'autant plus vrai que nous ne disposons pas de données aujourd'hui très précises sur la situation du marché pétrolier. Les statistiques ne permettent pas de savoir exactement où en sont les équilibres présents. La demande, notamment, est un agrégat qui évolue très vite. La question essentielle est de savoir quand la crise économique s'arrêtera et quand il va y avoir une reprise. Cela dépend de la réponse à cette question. Il faut dire que le marché a réagi négativement parce que les spéculateurs avaient vendu une baisse de la production à l'occasion de cette réunion. C'est un peu normal, ils ont été déçus. Mais je pense que cela va se corriger dans les jours qui viennent. Les précédentes baisses de production des pays de l'OPEP sont respectées à 80%, selon l'AIE. Ces mêmes pays devraient encore faire l'effort de retirer 800 000 barils du marché. Où se situe le blocage, d'après vous ? Il faut rappeler que 80% de la baisse de la production par rapport à septembre 2008, représentant 4,2 millions de barils par jour, est un record historique. Jamais dans l'histoire de l'OPEP, on a eu un taux d'application de ce niveau. Cela est déjà pas mal. Il montre la prise de conscience et la détermination des producteurs à corriger très vite le marché. C'est important. Maintenant, certains pays n'ont pas encore appliqué ces décisions. On évoque l'Iran, le Venezuela et le Nigeria, selon les sources secondaires. Et selon des informations qui nous sont parvenues, ils vont régler ces problèmes dans les mois prochains. C'est vers le mois d'avril que l'on commencera à ressentir les effets de cette baisse sur les stocks dans les pays de l'OCDE. Quant au gros, il a été légèrement réduit ces derniers temps. C'est déjà une bonne nouvelle, comme conséquence de la réduction qu'a opérée l'OPEP au niveau de la production. Le ministre saoudien du Pétrole, Ali Al Nouaïmi, défend un prix « idéal » du baril de pétrole « entre 60 et 75 dollars ». Estimez-vous possible, même en cas de baisse probable des quotas de production à l'avenir, que les prix augmentent ? Pour répondre à cette question, il faudrait être capable de répondre à celle qui concerne la situation économique mondiale. Car c'est de celle-ci que dépend le niveau de la demande pétrolière. Actuellement, l'OPEP est en train de courir derrière la baisse de la demande pétrolière. L'Organisation a déjà fait des réductions. Seront-elles suffisantes ? Cela dépend de la situation : est-ce que la crise économique va s'arrêter ou est-ce qu'on va connaître encore une récession encore plus profonde ? Seconde condition : il faut que l'OPEP applique pleinement toutes les décisions qu'elle a prises. On verra, d'ici la fin du second trimestre, en mai prochain, s'il faudra encore d'autres baisses ou si celles qui ont été déjà prises sont suffisantes. Moi, je considère deux hypothèses. Si la crise ne s'approfondit pas et si l'OPEP applique correctement les décisions de baisse de la production, alors, je crois qu'on reverra probablement les 60 dollars avant la fin de cette année ! C'est que je continue de croire que le marché est en train de rechercher un équilibre que nous n'avons pas encore. Mais probablement à ce niveau-là (60-75 dollars), c'est le prix qui peut convenir aux producteurs et aux consommateurs.