La victoire historique de Mauricio Funes dans la présidentielle de dimanche au Salvador, revanche électorale de l'ex-guérilla de gauche du pays vaincue par les armes en 1992, accentue encore le virage d'une Amérique centrale traditionnellement considérée comme le pré-carré des Etats-Unis. La victoire de M. Funes, candidat d'un Front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN) dont il assure qu'il a « évolué » et s'est « adapté » aux « exigences de l'époque », est d'autant plus significative que sa légitimité n'est pas mise en doute. « Le Salvador constitue l'exception, après les doutes sur le processus électoral au Nicaragua, au Costa Rica et au Honduras », a déclaré le co-directeur de l'Observatoire de politique extérieure de l'université du Costa Rica, Daniel Matul. L'élection au Salvador est « un témoignage important de l'alternance au pouvoir », a renchéri le secrétaire général de la Faculté latino-américaine de Sciences sociales (Flacso), le Chilien Francisco Rojas. Selon lui, la démocratie « est arrivée pour rester », en Amérique centrale comme dans toute l'Amérique latine. La victoire de M. Funes, comme celle du social-démocrate Alvaro Colom au Guatemala et après le retour au pouvoir du président sandiniste Daniel Ortega au Nicaragua, illustre aussi la poussée de la gauche dans une région marquée par des guerres civiles dans les années 1970-1980. Pour M. Rojas, « les options de centre-gauche sont aussi légitimes que les néo-libérales » qui ont prévalu ces dernières années « sans être capables d'enrayer la pauvreté et l'insécurité » et en « expulsant » des millions de gens vers « l'exil économique », essentiellement en direction des Etats-Unis. L'ombre du président vénézuélien Hugo Chavez plane sur ce virage à gauche. Dans la région, « si on y regarde calmement, la présence de Hugo Chavez n'a pas entraîné de prise de distances majeure vis-à-vis des Etats-Unis », a poursuivi M. Matul. Si division il y a, elle se fait sentir seulement « dans le débat interne », a-t-il souligné. Les pays d'Amérique centrale désormais gouvernés par la gauche n'ont pas modifié leur modèle économique. Ils se sont bornés à renforcer leur politique sociale pour tenter de réduire le degré de pauvreté dans lequel vit plus de la moitié de la population de la région, a-t-il ajouté. L'Amérique centrale compte maintenant sur un « autre » dialogue avec les Etats-Unis du président Barack Obama, dont le vice-président, Joe Biden, sera au Costa Rica les 29 et 30 mars pour préparer le prochain sommet des Amériques, prévu mi-avril à Trinidad et Tobago.