Rien n'y fait. Le coup d'Etat qui s'est mis en place aux Honduras le 28 juin, le premier réussi en Amérique centrale depuis la fin de la guerre froide, est bien parti pour réussir. Le président déchu Zelaya a dû rebrousser chemin après avoir tenté de regagner son pays. Les nouveaux maîtres ne veulent pas de lui. Ce coup d'Etat, qui s'est soldé par l'assassinat de plusieurs militants et dirigeants de mouvements populaires, l'arrestation de dizaines d'autres et qui a imposé la censure médiatique et la restriction des libertés publiques et individuelles dans le pays, a des implications bien au-delà des frontières du Honduras. Il vise à reconfigurer la géopolitique régionale. Le régime putschiste du président Roberto Micheletti apparaît comme la préfiguration d'une tentative de reprise en main du sous-continent par les forces de droite et les oligarchies locales. Et cela avec le soutien direct de certains éléments du Pentagone et de l'administration des Etats-Unis présents sur place. Il s'agit de fragiliser l'ensemble des processus démocratiques et sociaux qui ont porté ces dernières années au pouvoir des gouvernements de rupture avec le modèle néolibéral et avec la traditionnelle domination des Etats-Unis et de leurs relais réactionnaires en Amérique latine. Ces gouvernements (Bolivie, Equateur, Nicaragua, Venezuela) se retrouvent au sein de l'ALBA. Mais le coup de semonce du Honduras vaut aussi pour le Guatemala et le Salvador où ont été élus des présidents de centre-gauche. Dans ces pays aussi, il existe un risque de renversement violent des gouvernements en place dont les mouvements sociaux sont bien conscients. Rafael Alegria, dirigeant hondurien du mouvement international paysan La Via Campesina, directement impliqué dans les mobilisations populaires au Honduras, affirme que si "cette situation de confrontation peut se régionaliser (…), les mouvements sociaux au Nicaragua, au Salvador, au Costa Rica, au Guatemala sont unis dans cette lutte de résistance". Les enjeux sont considérables pour l'avenir de la démocratie en Amérique latine. La victoire des putschistes équivaudrait à un feu vert donné aux autres oligarchies latino-américaines pour tenter de renverser les gouvernements démocratiquement élus du continent. En tête de liste : la Bolivie, le Paraguay et le Venezuela, pays qui font régulièrement face à des tentatives de déstabilisation des droites et de leurs alliés extérieurs. De ce point de vue, ce coup d'Etat est aussi un test majeur pour le gouvernement de Barack Obama. Il a été ouvertement encouragé, sinon provoqué par la droite américaine et une partie de son armée qui cherchent à l'affaiblir sur le plan intérieur. Obama n'a-t-il pas été accusé, après sa poignée de main avec le président vénézuélien, de relayer le "péril chaviste" ? Vers une guerre civile… suite à l'obstination du gouvernement de fait, le mouvement populaire se mobilise à Tegucigalpa et à l'intérieur du pays. Le Front national de résistance contre le coup d'Etat, qui rassemble de nombreuses organisations, dont les trois principaux syndicats du pays (la Centrale générale des travailleurs, la Confédération des travailleurs du Honduras et la Confédération unitaire des travailleurs du Honduras), a juré de ne pas baisser les bras. D. Bouatta