Il y auraient des «soucis» qui n'ont rien à voir avec la délicate question de l'augmentation des salaires, qui a contribué à mettre le feu aux poudres. Ni même avec la difficile équation de la révision constitutionnelle. Cela est d'autant plus vrai que les premières hostilités, à peine voilées, entre Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat et secrétaire général du FLN, et Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement et patron du RND, ont pris la forme de déclarations publiques virulentes, voire outrageantes. Ce glissement progressif vers un antagonisme frontal n'aurait d'autre explication que les luttes pour le contrôle du gouvernement. En attendant mieux, bien entendu. Celui qui est considéré, jusque-là, comme le «tronc commun» des trois composantes de l'alliance, le président Bouteflika en l'occurrence, ne semble plus en mesure d'arbitrer ces querelles aux visées inavouées, ou presque. Les choses ont commencé par «l'impair» aux conséquences graves du chef du gouvernement, M. Ouyahia, qui a estimé que la revendication salariale est «illégitime bien qu'elle soit pressante». Viennent ensuite les répliques crues de M. Belkhadem, qui a considéré que «la déclaration d'Ouyahia n'engage pas le gouvernement». Les choses ne se sont pas calmées depuis, puisqu'un autre responsable du RND, Chihab Seddik, a qualifié le FLN de «parti archaïque ayant une vision rentière et étroite». Interrogés à propos des déclarations de M. Chihab, les responsables du FLN ont commenté, chacun à sa façon, les répliques de M. Chihab La riposte est venue de la bouche de Saïd Bouhedja et de Abdelhamid Si Affif, membres de la direction du FLN. Le premier a estimé que «les déclarations d'Ouyahia confirment le fossé qui sépare le RND de la société avec ses soucis et ses préoccupations». «Le FLN dérange» Réagissant aux propos de Seddik Chihab, M. Bouhedja a rappelé que la quasi-totalité des cadres du RND sont issus du FLN. «Si notre parti est archaïque, le RND doit l'être aussi, étant donné qu'on ne peut faire du neuf avec du vieux. De telles affirmations ne sont pas dignes d'un homme politiques», a-t-il tranché. Connu pour ses célèbres diatribes – c'est son registre naturel -, M. Si Affif a indiqué que «les déclarations des uns et des autres n'engagent que leurs auteurs. D'ailleurs, cet homme n'est pas le porte-parole du RND». Selon notre interlocuteur, «M. Chihab a déformé les propos de son responsable hiérarchique – Ouyahia -, qui a déclaré que l'alliance est en bonne santé». M. Si Affif a estimé, plus loin, que «le FLN dérange». L'ancien parti unique dérange qui, en fait ? «Ceux qui l'agressent, l'attaquent et le provoquent», a-t-il répondu, dans le pur langage du parti unique. De qui parle-t-il ? Peut-être du RND. Mais M. Si Affif ne le désigne pas expressément. «Ces gens sont jaloux, parce que le FLN est le parti majoritaire au Parlement, une force politique en pleine mutation, ses cadres se régénèrent. C'est une formation qui a toujours su surmonter ses difficultés», a-t-il estimé. Quels sont les véritables enjeux de la guerre qui s'est déclarée au sommet de l'Etat ? «La maladie du Président, a-t-il dit, a mis à nu les mauvaises intentions et les appétits de certains. Nous concernant, le secrétaire général du FLN a confirmé que le FLN demeure fidèle au chef de l'Etat, œuvre pour la révision de la loi fondamentale et pour un troisième mandat pour Bouteflika.» Le FLN ambitionne-t-il de contrôler la locomotive gouvernementale ? «Tout citoyen et tout parti politique a le légitime souhait d'accéder au pouvoir. Mais en l'état actuel des choses, seul le Président est habilité à désigner un chef du gouvernement», a expliqué M. Si Affif. Le porte-parole du RND, Miloud Chorfi, a, de son côté, qualifié la polémique entre le FLN et le RND de «compétition politique serrée à l'approche des échéances électorales importantes». Pour lui, il n'y a aucune guerre de sérail entre les deux partis. M. Chorfi ne se démarque pas pour autant des déclarations acerbes de Seddik Chihab. «Il est membre de la direction nationale du RND, ses propos sont ceux du parti», a précisé le porte-parole du RND. Autant dire que ces deux hommes, issus pourtant du même parti, tiennent un discours parfaitement contradictoire. Entre la prudence de M. Chorfi et les banderilles de M. Chihab, l'on croit avoir décelé un malaise même au sein de la formation d'Ouyahia, après les fêlures créées dans les rangs du FLN. Et le MSP dans tout cela ? Nos tentatives de joindre les membres de sa direction ont été vaines. Parmi les partis de l'alliance, il est le seul parti, ambition oblige, qui n'a pas voulu se «mouiller» dans ces querelles qui se déroulent en «haut lieu». Peut-être cherche-t-il à en récolter les dividendes ?