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Si l' Université m'était contée
Publié dans El Watan le 15 - 02 - 2006

Ce point a d'ailleurs été souligné par le CNES dans son rapport où il est écrit : «Les dernières mesures relatives à la revalorisation des heures supplémentaires et à l'encadrement ont eu l'effet inverse de celui qui était escompté, à savoir la détérioration de la qualité de l'enseignement et de la capacité d'encadrement et de recherche.»
La précarité des salaires est telle que pour «survivre», pour boucler des fins de mois de plus en plus difficiles, et les choses ne feront que s'aggraver au départ de l'enseignant à la retraite, puisqu'il ne touchera plus que 80% de son salaire de base, ce qui fait
18 000 DA et au mieux 22 000 DA. Selon le grade, tout cela après avoir passé une vie entière à accumuler des diplômes (bac, licence, magistère, doctorat d'Etat), après avoir passé sa vie à donner le meilleur de lui-même dans la recherche, après avoir haranguer des foules d'étudiants dans des amphithéâtres pleins à craquer jusqu'à en perdre la voix, l'enseignant universitaire sera presque réduit à mendier une fois poussé à la retraite. Pour toutes ces raisons, beaucoup d'enseignants se sont donc mis à «courtiser» les heures supplémentaires au détriment de leurs charges pédagogiques normales, si bien que l'enseignant universitaire s'est transformé en un véritable mercenaire du savoir, un «vendeur d'alphabet». Cette attitude se traduit dans les faits par une course effrénée aux heures complémentaires, et les enseignants, ces nouveaux mercenaires, se sont mis à tirer sur tout ce qui bouge, là où il y a une demande ils répondent présents et on les voit ainsi aller et venir d'un département à l'autre, d'une faculté à l'autre et même d'une université à l'autre. Il y en a même qui ont failli perdre la vie dans des accidents de voiture à force de courir les heures complémentaires ou des salaires plus attractifs comme les 80% alloués aux petites universités et aux nouveaux centres universitaires sur la base du zoning ou de la prime spécifique de poste.
Cette disposition est d'ailleurs scandaleuse, elle est même infamante. Comment en effet peut-on décider d'allouer 80% et même 90% du salaire de base à des enseignants de certaines universités et centres universitaires, donc des enseignants qui appartiennent au même corps et qui dépendent du même ministère ?
Qu'est ce qui a motivé une telle décision ? Est-ce sur la base de compétences plus poussées, où est-ce sur la base de productions scientifiques, de performances de recherche ?
Pourquoi donc ces universités et centres universitaires se voient-ils récompensés de la sorte ?
Selon mon humble avis, la seule chose qui peut départager deux universitaires, ce sont justement ces critères scientifiques. Est-ce donc le cas pour qu'on en vienne à fabriquer en Algérie, à l'aube de ce troisième millénaire, une université qui fonctionne à deux vitesses ? C'est vraiment surréaliste. Je crois que de ce point de vue, du point de vue des décisions loufoques et surréalistes, notre ministère mérite la palme d'or. En effet, comment qualifier autrement une décision qui pousse les grands centres universitaires à se vider de l'essentiel de leurs cadres au profit de centres universitaires ou autres petites universités qui n'ont même pas assez d'étudiants pour remplir une salle de cours. Si bien qu'on se retrouve aujourd'hui avec des universités, de grands pôles universitaires qui ont plus de 60 000 étudiants fonctionnant de plus en plus avec des enseignants débutants, puisque beaucoup d'enseignants, parfois les plus anciens, parfois même les plus expérimentés pour ne pas dire les meilleurs, les ont quittés à cause de cette malheureuse décision et pour ces malheureux 80%. La plupart des enseignants qui ont choisi «l'exil», l'ont fait tout simplement parce que l'âge de la retraite approche et il vaut mieux partir à la retraite avec 80% de salaire en plus dans la poche. Où donc les pôles d'excellence ? Je crois savoir que dans le monde entier, ce sont plutôt les grandes universités qui payent leurs cadres mieux que d'autres universités plus petites et de moins grande envergures. Si ces universités payent mieux leurs cadres c'est sur la base de l'excellence et non sur celle du zoning ou de la prime de poste. C'est donc pour fixer leurs universitaires et pour conserver leur réputation de pôles d'excellence qu'ils payent le prix fort. Pour ces pays, l' université a un sens, et le savoir mérite d'être respecté aussi ont-ils du respect pour le chercheur universitaire qui véhicule ce savoir. Il faut croire que chez nous, ce n'est pas encore le cas. L' université et les universitaires ne sont que des chiffres à aligner, c'est juste pour dire en fin de compte que nous avons tant d' universités et tant d'universitaires. Le critère d'excellence est, semble-t-il, le dernier des soucis de nos décideurs. Il semble donc qu'il n'y a pas encore en Algérie une véritable politique de l'enseignement supérieur à même de promouvoir le savoir. Cette décision, qui a drainé Dieu seul le sait combien d'enseignants, a-t-elle vraiment aidé ces universités et centres université à mieux fonctionner ? Je crois bien que ça n'est pas du tout le cas. En effet, comme nous venons de le voir, beaucoup d'enseignants ont déserté leur université d'origine pour rejoindre en d'autres où ils ne sont même pas logés. Ce qui fait que pour la plupart d'entre eux, ils sont réduits à faire la navette entre leur ville d'origine et leur lieu de travail. Ils sont contraints d'aménager leur emploi du temps pour pouvoir arriver à l'heure et rentrer assez tôt le soir chez eux, et tout cela n'est pas fait pour aider l'enseignant à se stabiliser et par conséquent à être plus performant. C'est plutôt le contraire, l'enseignant est fatigué par ce va-et-vient constant, il n'est plus dans son milieu naturel, ce qui lui importe c'est de remplir sa part du contrat pour pouvoir rentrer chez lui le plus tôt possible. Autant de contraintes qui vont donc se répercuter sur la qualité de l'enseignement.
Une autre mesure encore plus loufoque que les 80% qui vient d'être décidée tout récemment est celle qui consiste à faire venir des enseignants coopérants. Je ne suis pas du tout contre une telle décision, elle peut même être bénéfique dans la mesure où elle peut susciter une certaine émulation qui ne peut être que salutaire pour l' université algérienne, mais là où cette décision devient à son tour loufoque et surréaliste c'est dans la rémunération de ces enseignants. En effet, il est prévu de payer ces enseignants de 8 à 11 fois le salaire d'un enseignant algérien. Pourquoi donc ? Et nous alors qui sommes-nous et que sommes-nous pour être dévalorisés de la sorte ? Nos diplômes sont-ils à ce point inférieurs à ceux de ces universitaires de troisième type. Pourtant, la majorité des enseignants universitaires algériens fait ses études post-graduées à l'étranger, qui en France, qui en Angleterre et qui aux Etats-Unis. Parfois, leurs diplômes ont été obtenus haut la main avec des mentions très honorifiques. L'enseignant algérien de ce point de vue n'a donc rien à envier à ses homologues étrangers, alors pourquoi cette tendance morbide à la dévalorisation des compétences nationales. Cette mesure est une véritable injure au bon sens et à notre intelligence.
Cela dit, il n'y a pas que la question des salaires et des décisions loufoques pour aggraver la situation de l' université et des universitaires, la gestion même de l' université est en cause dans bien des cas. La manière dont sont gérés les comités scientifiques et les conseils scientifiques, celle dont est géré le système de promotion dans les grades universitaires, les instances responsables de cette promotion (CUN), la manière dont est gérée l' université dans son ensemble, rien ne fonctionne comme il se doit, tout marche de travers. A titre d'exemple, nous savons tous que pour passer d'un grade à un autre, et c'est tout à fait normal à l' université, il faut remplir un certain nombre de critères scientifiques et il y a une mission, la CUN en l'occurrence, qui étudie les dossiers des enseignants pour décider de leur promotion. Jusque-là quoi de plus normal ?
Cependant, et c'est là où les problèmes commencent, le dossier de promotion ne peut être ouvert et étudié que si le candidat possède au minimum une publication internationale et s'il a au moins fait soutenir un mémoire de magistère.
Qu'en est-il de ces deux critères ? Tout d'abord, et pour ce qui est de la publication internationale, le premier des deux sésames permettant l'ouverture du dossier pour son étude, elle est en passe de devenir un véritable parcours du combattant. En effet, il est parfois beaucoup plus facile de se faire publier à l'étranger qu'en Algérie ? C'est là que le bât blesse si on veut faire publier quelqu'un en Algérie dans des délais records, c'est parfois possible, il faut juste savoir frapper à la bonne porte. En fait, le seul problème d'une publication à l'étranger c'est le temps. En effet, il faut bien plus d'une année d'attente pour pouvoir le faire et même dans ce cas l'attente reste moins longue qu'une publication en Algérie. Bref, cette publication internationale est un véritable casse-tête, mais pas pour tous cependant. Cela pour le premier sésame. Le deuxième sésame est quant à lui autrement plus vicieux. Il est en fait plus un verrou qu'autre chose et si la publication internationale est somme toute un critère acceptable et même nécessaire, puisqu'il traduit la capacité réelle de l'enseignant à produire scientifiquement, critère qui est d'ailleurs le plus souvent rempli à plus ou moins long terme, le deuxième critère, ce verrou de l'encadrement est par contre plus pernicieux car c'est pas du tout évident de trouver un encadrement. Actuellement, seuls les laboratoires sont habilités à ouvrir des post-graduations, du moins pour certaines facultés, si bien que si on ne fait pas partie d'un laboratoire, on a peu de chance pour obtenir une direction de magistère. Certains collègues ont dû «ouvrir» des laboratoires juste pour pouvoir accéder enfin à ces encadrements. Cet état de chose a fait qu'on assiste parfois à des scènes assez cocasses où certains collègues se sont fait «voler» ou «détourner» de leur encadrement. Ce verrou de l'encadrement est donc plus pernicieux que celui de la publication internationale, car si pour cette dernière, on arrive malgré tout à pouvoir remplir ce critère en publiant à l'étranger, pour l'encadrement par contre, c'est bel et bien le cul-de-sac et certains enseignants risquent d'attendre longtemps, très longtemps même pour pouvoir postuler au grade de professeur et même s'ils ont des capacités de chercheurs bien avérées, même s'ils ont publié articles, ouvrages et autres polycopiés, même s'ils ont animé des séminaires, donné des conférences, même s'ils ont enseigné à l' université depuis près de 20 ans, ils ne seront néanmoins pas professeur parce qu'ils n'ont pas pu faire soutenir un magistère, non pas parce qu'ils en sont incapables, mais tout simplement parce qu'on ne leur a pas donné l'occasion de le faire. Sont-ils donc moins compétents que tous ceux qui sont passés professeurs juste parce qu'ils ont eu la chance de faire soutenir un mémoire de magistère ?
Nos institutions fonctionnaient sur le principe de l'excellence, si nos responsables et fonctionnaires étaient démocratiquement élus sur la base de ce critère, le fonctionnement de l' université aurait certainement gagné en efficacité. Malheureusement, toutel' université fonctionne par cooptation, et tous les postes de gestion et de responsabilité sont attribués non sur le principe de la compétence, mais sur celui de la cooptation. Par ailleurs, la durée de l'exercice de ces fonctions de gestion et de responsabilité est telle que tout devient permis pour les personnes qui les exercent. Comme apparemment il n'y a pas de mandat limitatif à l'exercice de ces fonctions (doyens, vice-recteurs, recteurs), ou même s'il y en a, ça n'est jamais pris en considération, avec l'usure du temps et du pouvoir ces responsables se croient tout permis et finissent par gérer l' université comme si c'était un bien personnel. Il ne faut pas se faire d'illusion, le pouvoir et surtout sa durée usent la personne. Ne dit-on pas que le pouvoir corrompt ? Aussi, certains responsables finissent par se comporter parfois comme de véritables potentats, entourés qu'ils sont d'une véritable cour et d'un essaim de courtisans, attendant chacun les faveurs de son seigneur et maître.
Pour terminer, car il faut bien terminer, bien qu'il reste tellement de choses à dire, je ne peux que souligner, encore une fois, le fait qu'il n'y a qu'une seule alternative pour que l' université sorte de son marasme : cette alternative c'est de baser son fonctionnement sur le principe de l'excellence. Le jour où l' université reconnaîtra ce critère et l'érigera en mode de fonctionnement et de gestion, le jour où toutes les promotions se feront sur la base de ce critère, le jour où nos institutions seront démocratiquement gérées et limitées par un mandat au terme duquel un bilan est dressé dans la transparence, l' université regagnera son rang parmi les universités qui ont fait du savoir et de sa promotion le seul et unique objectif, le seul et unique souci. Pour ce faire, il faut y mettre le prix, car pour motiver les gens à travailler, il faut les rétribuer selon leur juste valeur.
Il faut aussi mettre le prix pour développer l'accès à l'information. Il faut créer des banques de données accessibles à tous les universitaires, il faut que toutes les universités algérienne soient reliées entre elles par un réseau informatique performant, il faut créer un fichier national pour toutes les thèses soutenues dans toutes les universités algériennes, fichier qui doit être accessible depuis n'importe quelle université ou centre universitaire. Il faut faciliter et favoriser les échanges inter universités que ce soit à l'échelle nationale ou internationale. Il faut faciliter la mobilité des cadres universitaires pour leur formation continue et ce n'est certainement pas en jetant en pâture quatre malheureux stages par an à 40 enseignants comme on jetterait un os à une bande de chiens affamés qui vont s'entretuer pour se l'arracher, qu'on va rendre à l'enseignant sa dignité.
Bref, il faut tout mettre en œuvre pour que l'universitaire retrouve sa fierté. Pour que l' université retrouve sa vraie vocation, c'est-à-dire pour qu'elle redevienne ce sanctuaire où il n'y a de place que pour la science, le savoir et l'émulation scientifique, il ne faut pas compter, car il peut y aller du devenir même du pays.
En attendant, et tant que tout cela n'a pas été compris, l' université continuera à se vider de sa substance et de sa sève, et les universitaires, ces zombies du troisième millénaire, continueront à traîner leur mal-vie d'un département à l'autre, d'une faculté à l'autre et d'une université à l'autre, coursant les heures complémentaires et autres 80%, délaissant leurs charges pédagogiques normales et la recherche, laissant la médiocrité sévir, les passe-droits, le népotisme et la cooptation de régner en maître.


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