Le coup d'envoi de la campagne électorale pour la présidentielle du 9 avril prochain sera donné, aujourd'hui, dans un contexte particulier. En dépit d'une large campagne de sensibilisation menée depuis plusieurs semaines par les autorités, l'événement paraît pour le moment ne susciter que peu d'intérêt parmi les citoyens. Cette élection ne fait pas l'objet de débats dans la société, comme ce fut le cas les années précédentes. La majorité de la population la considère déjà comme un non-événement. Et cela pour plusieurs considérations. La levée de la limitation des mandats après amendement de la Constitution, le 12 novembre 2008, qui a permis au président Bouteflika de se porter candidat à sa propre succession, est à l'origine de la désaffection populaire. Une désaffection amplifiée par le défaut de candidatures sérieuses à cette élection. Considérant que les jeux étaient déjà faits, « les grosses pointures » de la politique nationale en mesure d'animer les foules n'ont pas jugé utile de prendre part à ce scrutin. Elles ont déclaré forfait. Et leur défection semble déjà peser lourdement sur cette élection. Le spectre de l'abstention inquiète sérieusement les autorités. Un remake du scénario des élections législatives du 17 mai 2007 où le taux de participation n'a pas dépassé les 35%, selon les chiffres officiels (moins de 15% selon l'opposition), serait pour elles synonyme d'une sanction politique. La désaffection populaire est accentuée, en particulier, par un important malaise social. Pauvreté, chômage des jeunes, précarité, phénomène des harraga… le front social est en ébullition. Alors que le pouvoir d'achat des travailleurs est en berne, les prix des produits alimentaires sont toujours hors de portée. Comment convaincre un citoyen qui peine à s'offrir un kilo de pommes de terre à 70 DA le kilo de l'importance que revêt la présidentielle ? Ce n'est pas tout. Cette campagne électorale se déroulera également sur un fond de contestation sociale. Les médecins et autres fonctionnaires du secteur de la santé prévoient d'organiser des mouvements de débrayage en pleine campagne pour la présidentielle. Leurs collègues du secteur de l'éducation et de la Fonction publique en général sont dans la même situation et la même logique de contestation. Ils demandent simplement l'augmentation de leurs salaires et une amélioration de leur quotidien. En outre, la fermeture du champ politique ainsi que le harcèlement subi par la presse indépendante sont des éléments qui devraient peser sur cette campagne. Plusieurs candidats pour un seul objectif Devant cette situation, les six candidats engagés dans la course au palais d'El Mouradia devront batailler pour un seul objectif : appeler, durant 20 jours, les électeurs à voter massivement. Abdelaziz Bouteflika, Moussa Touati, Louisa Hanoune, Ali Fawzi Rebaïne, Mohamed Saïd et Mohamed Djahid Younsi laisseront de côté leurs programmes respectifs pour constituer un « front anti-abstention ». Et cela va commencer dès aujourd'hui. Le président-candidat, qui avait affirmé qu'« un président ne sera réellement président que s'il est élu par la majorité écrasante de la population », focalisera toute son énergie sur la question de la participation. Etant quasi assuré de sa réélection, Bouteflika tentera, aujourd'hui à Batna puis durant ses vingt autres sorties, de persuader les électeurs de « l'importance de la continuité ». Alors que le candidat sortant mènera une campagne pour une nouvelle mandature, ses concurrents, commentent les observateurs de la scène politique nationale, iront plutôt l'aider à légitimer cette élection. Les slogans appelant au changement de Moussa Touati, de Fawzi Rebaïne, de Djahid Younsi et de Mohamed Saïd vont être occultés par les appels à la participation. Même sort pour le slogan réitérant « le principe de préservation de la souveraineté nationale » que prône Louisa Hanoune. Mais leur tâche ne s'annonce pas facile. Les six candidats devront compter également avec les partisans du boycott qui mèneront, eux aussi, leur propre campagne.