C'est après avoir ausculté la carte des 50 000 m2 de cette île aux livres, à la fois foire et rendez-vous amoureux, que je me suis joyeusement jetée dans le bruyant labyrinthe du 29e Salon du livre de Paris, qui s'est terminé mercredi. Tentant de rejoindre la crique des éditeurs du Maghreb, j'ai pu apercevoir, sur le stand bondé du géant français Gallimard, l'incontournable Tahar Ben Jelloun, dédicaçant à la foule son nouvel et sombre opus, Partir, un roman sur le Maroc des années 1990 et l'impasse de l'exil. En repartant avec un roman brut du kabyle nanterrien Mounsi, La noce des fous, c'est au bout d'une allée que j'ai découvert, entre le manga et la Pologne, l'espace dédié au Maghreb. Les maigres étagères du stand marocain, sponsorisées par le ministère de la Culture, étaient heureusement présentées par un laborieux libraire de Tétouan. A quelques pas, les présentoirs de l'Union des éditeurs tunisiens, qui recense plus de cent structures dont une quinzaine indépendantes, offraient elles aussi, pêle-mêle sur 5 m2, des traités de management, des régimes contre l'obésité ou des coloriages, mais également, petites pépites, les romans souvent féminins des élégantes éditions Elyzad. Le dernier roman de Leïla Sebbar, Mon Cher fils, ou le roman dense et las de Kaouther Khlifi, Ce que Tunis ne m'a pas dit, en sont deux jolis fleurons. Cette encourageante trouvaille n'était qu'un prémice : sur les tables du carré algérien, diversifié, outre les classiques livres de patrimoine, je me suis arrêtée un moment sur la réédition des chroniques de Saïd Mekbel chez Dalimen, avant de m'attabler tout à fait entre les éditions Barzakh et Chihab éditions, dont les identités formelles et la jeune cohérence de ton affichent un professionnalisme réel, un amour du livre certain et une volonté d'accompagner des auteurs nouveaux tout à fait courageuse. Chez Chihab, on avançait que le combat se mène surtout sur le terrain de la légitimité à exister sans être estampillé français, sur la capacité à fédérer les lecteurs nationaux autour d'un projet algérien et à convaincre les auteurs étrangers d'être édités en Algérie. Mais certains signes ne trompent pas : c'est bien autour de ces tables algériennes que, saluant l'amour du métier et la ténacité d'une éditrice dévouée, je me suis retrouvée bousculée par une célèbre et bruyante critique française à la recherche de sang neuf, que ce soit celui du poète embrasé Malek Alloula ou celui de l'étrange Mustapha Benfodil…