Alors que plus de 40 universités sur 82 que compte le pays sont fermées ou bloquées d'accès par les anti-CPE, le sondage CSA/Le Parisien a rajouté, hier, une couche, en indiquant que près de 68% des Français ne voient pas d'un bon œil le nouveau contrat de travail réservé aux jeunes de moins de 26 ans. Favorables au patronat, les dispositions découlant de ce contrat autorisent les entreprises à licencier tout employé sans aucune raison apparente. Avant-hier, de nombreuses marches de protestation ont été organisées par les étudiants et les lycéens dans toutes les grandes villes de l'Hexagone. Elles ont rassemblé plus de 500 000 personnes, toutes déterminées à faire «plier le chef du gouvernement et le président de la République, Jacques Chirac». «CPE, CNE, même combat, tous ensemble, on fera plier l'Etat» ou «Chirac, Villepin, Sarkozy, votre période d'essai est finie» : ce sont là les quelques slogans scandés par les manifestants en colère. Des casseurs se sont introduits dans les marches, provoquant les services de sécurité armés jusqu'aux dents et déployés sur tout le trajet retenu pour la manifestation à Paris. Armés de barrières, de bâtons et autres projectiles, ils ont blessé vingt-sept gendarmes. 180 personnes ont été interpellées. Mais alors que les policiers pensaient que le cauchemar avait pris fin, des scènes d'émeutes se sont déplacées vers plusieurs ruelles du Quartier latin, dans le 6e arrondissement. Ni le soutien affiché par Jacques Chirac ni celui émanant de la présidente du Medef (association des patrons français), encore moins celui des députés de la majorité de droite n'ont réussi à consolider la posture jugée «incompréhensible et suicidaire» affichée par le Premier ministre, Dominique de Villepin. Sa disposition à dialoguer avec les étudiants et les syndicats doublée de sa volonté à réaménager, s'il le faut, le CPE n'ont pas réussi à ramener les jeunes à la raison. Après la mobilisation du 7 mars, jugée réussie par la gauche socialiste et les syndicats, c'est aujourd'hui encore que les opposants au CPE vont battre le pavé parisien avec un seul objectif : pousser de Villepin à retirer le Contrat première embauche. Alors que les organisateurs s'attendent à une affluence record, qui dépasserait un million de personnes, l'Eglise catholique commence déjà à fourrer son nez dans le conflit. Pour l'archevêque de Dijon, le «CPE est une atteinte aux droits des personnes». L'interlocuteur ne croit pas que «dans une économie de marché, une entreprise qui ne peut pas perdurer sans licencier doit pouvoir licencier. Mais il faut qu'elle le motive». Le parti de l'Union pour la démocratie française (UDF) appelle le président de la République à intervenir en vue de mettre fin à une situation conflictuelle et explosive. Même son de cloche chez les socialistes, qui estiment que «le Premier ministre ne dispose d'aucun crédit». «A n'écouter rien, n'entendre rien, à ne dire rien, tout peut se produire», avait dit François Hollande, secrétaire général du parti, qui croit que «le défi de l'alternance au pouvoir se pose dès à présent». Satisfaits des mobilisations précédentes, les syndicats se préparent pour la marche de cet après-midi. De la CGT à la CFDT, en passant par l'UNEF (syndicat des étudiants), tous sont décidés à aller jusqu'au bout, à savoir le retrait du CPE. Veillée d'armes aussi chez les forces de police qui sont sur le qui-vive.