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«Ne viens pas chez moi, j'habite chez mes parents»
Publié dans El Watan le 27 - 03 - 2006

Je ne regardais que les annonces du 10e, 11e et 18e arrondissements. Aujourd'hui, je me dis qu'il y a plus de chances de trouver un logement de l'autre côté du périphérique. C'est éreintant de visiter des appartements, de déposer des dossiers et d'essuyer toujours des ‘'non” quand on daigne vous répondre.»
Houari avoue avoir eu du mal à accepter l'idée que ces refus à répétition sont peut-être dus à la couleur de sa peau et à son patronyme. «Je ne sais que penser. J'ai le salaire d'un cadre, j'ai le statut d'un fonctionnaire assimilé, je suis en contrat indéterminé et je suis célibataire. Normalement avec un dossier aussi béton, ce sont les agences qui doivent me courir après. Il y a quelque chose qui bloque mais je n'ose pas me dire que c'est à cause de mon nom.»
Pour Rachid, c'est tranché. Le patronyme est souvent la première cause de refus. «Vendredi dernier, j'ai vu devant moi le visage de l'agent immobilier se décomposer quand il m'a vu. Au téléphone, je passe pour un gaouar pur jus. Financièrement, le logement était largement dans mes moyens. Aussi, quand il a commencé à me dire qu'il y avait déjà quelqu'un sur l'appartement, je me suis senti humilié. Il y a trop de colère en moi.» Pour éviter ces désagréments, Rachid se présente comme Algérien avant de commencer à discuter avec les agents immobiliers ou les particuliers. «Les personnes qui sont à l'autre bout du fil réagissent différemment. Certains me disent tout de suite que la nationalité a peu d'importance et d'autres se réfugient dans un silence gênant. Je sens tout de suite quand ça bloque. Le racisme existe même s'il n'est pas dit, s'il est caché.»
Testing et fichiers ethniques
Des conventions ont été signées pour lutter contre la discrimination au logement. Sur le terrain, les observateurs n'ont remarqué aucune avancée.
SOS Racisme qui a initié des opérations testing continue de mener les réfractaires devant les tribunaux. Le testing est une méthode qui permet de constater la discrimination. Un couple blanc se présente pour une annonce et négocie avec l'agence immobilière. Quelques heures plus tard, un couple noir ou maghrébin se présente pour la même annonce. Si l'appartement qui était toujours libre pour le couple ne l'est plus quand le couple bronzé se présente, la discrimination est constatée. L'organisation a poursuivi, par exemple, l'Office du Tourisme du Cap d'Agde pour discrimination.
En juillet 2000, SOS Racisme avait organisé un testing qui avait établi que des locations proposées à des clients blancs et d'origine européenne étaient refusées à des candidats aux noms ou aux accents à consonances extra-européennes. «Tout le personnel de l'office du tourisme du Cap d'Agde a avoué devant la police avoir été contraint de sélectionner les clients des agences immobilières en fonction de leurs origines et ce jusqu'en 2003. Alors qu'ils le niaient jusqu'ici, les patrons des agences immobilières membres du Conseil d'administration de l'office du tourisme ont reconnu avoir donné pour consigne, qu'on ne leur envoie pas de jeunes des cités», note l'organisation.
Mahmoud en rigole encore. «Je ne savais pas où c'était Ivry avant de louer mon appartement. J'étais allé visiter un appartement dans le 18e arrondissement à Paris. A l'agence immobilière, on m'a expliqué que j'avais peu de chance de voir mon dossier accepté mais que pour le même prix, je pouvais avoir un trois-pièces à Ivry. J'étais pressé et j'ai accepté. Et je me suis retrouvé à Ivry .» Selon lui, la capitale française n'arrête pas de «blanchir». «Bientôt il n'y aura plus aucun Arabe ni Africain dans Paris intra-muros. Paris est déjà une ville blanche et riche.»
La discrimination est aussi le fait des offices HLM. La Mission interministérielle d'inspection du logement social a établi que l'OPAC de Saint Etienne utilisait une «grille de peuplement» pour chaque immeuble dans lequel elle répertoriait «l'origine ethnique des titulaires du bail, en distinguant Maghreb, Afrique, Asie» en se fondant sur le nom patronymique des populations logées. Le rapport établit ensuite clairement que ces fichages ethniques entraînent des consignes de discrimination comme «stopper l'attribution à des familles étrangères» ou «de continuer à préserver ce site». Pourtant, la loi est très sévère. Cette pratique constitue un délit pénal de fichage ethnique passible de 5 ans de prison et 300 000 euros d'amende.
Houari ne se décourage pas. Il ne désespère pas de décrocher son deux-pièces. «C'est une question de temps. Je finirai par trouver. Mon dossier est solide. Désespérer, c'est accepter l'idée, cette situation.»
Même le ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances Azouz Begag a annoncé qu'il participerait lui-même à des opérations de testing dans des discothèques ou des agences immobilières de l'agglomération lilloise. «Je vais faire du testing à l'improviste dans des agences de location, dans des discothèques. Quand il n'y aura pas de problème, je le ferai savoir. Mais aux autres, aux discriminateurs, je ferai une petite réprimande. Je leur dirai : attention, le type que vous venez de refouler, c'est un ministre. Il est sympa pour la première fois, mais la deuxième fois, il sera obligé de prévenir la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité).» Cela suffira-t-il ? Houari sourit, Rachid tranche : «Il faut aller plus loin.»


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