Poursuite des réunions de la 70e session de l'AP-OTAN à Montréal    Beach Tennis: le Championnat national les 29-30 novembre à Boumerdes    Numérisation du secteur éducatif : les "réalisations concrètes" de l'Algérie soulignées    Président de la République: l'Algérie a parachevé la construction d'un système judiciaire républicain, fort de la confiance du peuple    Clôture du séjour de découverte technologique en Chine pour 20 étudiants    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 44.235 martyrs et 104.638 blessés    Attaf reçoit le président de la Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Conseil de la Choura islamique iranien    Oran: ouverture du 14e salon des énergies renouvelables "ERA" avec la participation d'une centaine d'exposants    La transition numérique dans le secteur de l'enseignement supérieur au centre d'un colloque le 27 novembre à l'Université d'Alger 3    Hand-CAN- 2024 dames: départ de l'équipe nationale pour Kinshasa    L'expertise du groupe public de construction ferroviaire contribuera à la réalisation des mégaprojets dans les délais (PDG)    Les incendies de forêts atteignent en 2024 l'un des plus bas niveaux depuis l'indépendance    Concert musical en hommage à Warda el Djazaïria à l'Opéra d'Alger    Le Président de la République préside l'ouverture de la nouvelle année judiciaire    Liban: Josep Borrell réaffirme le soutien de l'UE à la FINUL    Sonatrach : lancement d'un concours national de recrutement destinés aux universitaires    Organisation d'une journée d'étude sur l'entrepreneuriat en milieu universitaire    Tebboune ordonne aux membres du Gouvernement de préparer des plans d'action sectoriels    Lettre ouverte A Monsieur le président de la République    Les joueurs mouillent-ils leurs maillots ?    Ligue 1 Mobilis : la LFP fixe les dates de la 11e journée    Belaili sauve l'EST de la défaite contre Ben Guerdane    L'Algérie révise partiellement sa politique des subventions des prix du gaz naturel pour les industriels    La Bolivie exprime son soutien au mandat d'arrêt contre Netanyahu et Gallant    Des artistes illustrent les horreurs de Ghaza    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    Quarante-cinq lotissements sociaux créés à travers plusieurs commune    Opération de dépistage du diabète    Président colombien : « Le génocide à Gaza est un message d'intimidation envers les pays du Sud »    Deux artistes algériens lauréats    Commémoration du 67e anniversaire de la bataille de Hassi-Ghambou dans le Grand erg occidental    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    Tunisie: ouverture des Journées Théâtrales de Carthage    Tlemcen: deux artistes d'Algérie et du Pakistan lauréats du concours international de la miniature et de l'enluminure    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    L'ANP est intransigeante !    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Nourredine Saâdi, la nuit des origines
Publié dans El Watan le 06 - 04 - 2006

Les deux romans précédents de Nourredine, Nounou pour les intimes, explorent les dédales et les impasses d'une mémoire qui n'a toujours pas délivré ses secrets. Dans Dieu-le-fit (Albin Michel, 1996-Prix Kateb Yacine) ce sont les femmes, habituées à supporter les avatars de la vie, qui sont porteuses de mémoire et de rêves d'un monde légué par les ancêtres, mais qui s'éteint à une vitesse vertigineuse. Derrière le drame des déplacés du Bidonville Dieu-le-fit et les problèmes des citoyens déracinés, qui sont obligés, par la force policière, de rejoindre leurs douars d'origine, il y a une mémoire tissée dans la douleur et la déprime, face à l'absurdité d'un système qui s'est érigé en destructeur de tout ce qui fait de l'être son essence. Bizarrement, la «walachye» devient une métaphore ; elle ressemble à cette Algérie en panne d'imagination. Dans son deuxième roman La Maison de lumière (Albin Michel, 2000), Nourredine Saâdi ne quitte pas son registre principal en évoquant l'histoire de cette maison mauresque qui baigne dans un soleil magique, en face d'une mer constamment bleue. Une maison porteuse de toute l'histoire de l'Algérie traversée par des moments de bonheur et des blessures béantes. Construite tout d'abord pour le vizir du dey d'Alger durant la période ottomane, puis, devenue caserne au temps de la colonisation, occupée ensuite, par un marchant juif et par un général français, avant de tomber dans la déshérence à l'indépendance. Mais la mémoire de cette maison est restée intacte par les Aït Ouakli. Certes, le travail historique et narratif de l'écrivain renvoie à des lieux vrais, mais surtout à une vérité qui est soutenue par une narration qui repose sur les mythes, les symboles et sur des ingrédients enfouis dans la mémoire que seule l'écriture romanesque est capable de rendre visible.
Dans son dernier roman La Nuit des origines (Editions de l'Aube, 2005-Prix Beur FM, 2006), Nourredine Saâdi continue sa quête de départ, en vrai explorateur, à la recherche et la reconstitution d'une mémoire fragmentée dans tous ses prolongements et ses histoires en évitant les idées réductrices qui font de l'identité un monde fermé sur lui-même.
C'est tout simplement l'histoire d'une femme poursuivie par une ville, son ange gardien et son dément destructeur. Ta ville te poursuivra toujours et aucun bateau ne t'amènera jamais loin de toi, disait Constantin Cavafy. Une destinée presque inévitable. Le roman s'ouvre sur une première phrase déclencheur qui encadre, en même temps, le récit et qui l'installe dans un passé qui fonctionne en flash-back. «C'est arrivé chez un antiquaire des puces – on aurait écrit : comme par un complot de la destinée.» (Page 9) Arrivée d'Algérie en détresse, Abla est recommandée par une association féminine, occupe une chambre du palais de la femme, foyer créée par l'Armée du Salut pour accueillir les femmes en difficultés. Elle passe ses journées dans les lectures dans la bibliothèque afin de s'évader d'un présent pesant. Sinon, elle se lâche dans le marché aux puces de Saint-Ouen, meublé par des curiosités mais aussi par des hommes et des femmes avec lesquelles elle tisse des relations très humaines : Jacques et Elie, Nez-creux, Mme Jeanne la patronne du bar, Ali-Alain le Constantinois et l'enfant de la DASS, amoureux de cette insaisissable Abla ou Alba, et qu'il n'aura jamais qu'après la mort de celle-ci, paraphrasant ainsi, dans un moment de douleur, Gérard de Nerval. «D'ailleurs, elle m'appartient bien plus dans sa mort que dans sa vie» ; il y a d'autres aussi, Carlos attiré par le lit à baldaquin tout comme Abla, Kader Belmedi, Mme Flavier, Emile le marchand d'anciennes armes à feu… Abla, dans ce récit, n'est que l'outil déclencheur qui va tisser – à partir de deux objets, infiniment intimes – toute l'histoire du roman : Le lit à baldaquin semblable à celui qu'elle avait laissé derrière elle à Constantine et le vieux manuscrit venant de son grand père. L'espace bigarré du marché aux puces la renvoie à la médina de son enfance tendre mais perdue à jamais.
C'est un lieu d'imaginaire, dans lequel tout se fait et se défait, sur fond d'un amour difficile où les rebondissements sont inévitables et déjà tracés. Abla, malgré les moments d'oubli et d'absences sporadiques, elle est attrapée par une mémoire hantée par une ville, un père et surtout par un présent réduit à l'état primaire par des tueurs sans scrupules, mais aussi par passion amoureuse (Alain) impossible, qui la poussent vers le tragique et la perdition.
Une fin qui renvoie à Anna Karénine ou même à une Madame Bovary sans repère véritable. Au moment où Trakian, le commissaire priseur évalua le manuscrit à un quart de million d'euros, Abla perd tout équilibre et calme.
«Elle marmotta des paroles décousues entre les dents et eut le sentiment que sa voix ne correspondait plus à son corps. Alors, soudain, avec une violence inouïe, défaisant sa coiffure, elle se leva en hurlant et s'enfuit en emportant son manuscrit. L'enveloppe de velours noir semblait un nid vide devant des yeux ahuris.» (La Nuit, page 193)
Une dernière remarque, au-delà de ce que représente la Nuit dans ce roman et qui est facilement repérable, elle renvoie dans l'inconscient du lecteur averti à une tradition narrative orientale, les Milles et une Nuits, par exemple. La nuit, c'est le lieu de l'histoire mais aussi celui de tous les fantasmes amoureux et les histoires cachées. Abla, peut être facilement assimilée à une fille d'un marchant de Samarkand ou d'un conteur dans un souk de Baghdad du Xe siècle qui faisait circuler le savoir par ses histoires racontées. Ce qui accentue cette oralité, à l'origine des grandes œuvres arabes de narration, une absence totale, dans La Nuit des origines, des dialogues. C'est comme dans le théâtre de la Halqa, où l'histoire repose essentiellement sur le conteur qui met, en racontant, le masque des autres. Tout s'imbrique dans l'histoire mère qui coule comme une eau de source.
Même Constantine n'est que littérature et métaphore d'une Algérie revisitée, à la recherche d'une identité à réinventer constamment pour éviter le suicide. Là où on va, on est rattrapé par notre mémoire comme le dit si bien Abla avant son suicide, dans ses derniers écrits : «J'ai toujours imaginé ma ville de naissance venue de la nuit des temps, comme un des signes de la création attestée. Attestée par trois mille ans – stèles, outils de pierre ou de métal, lampes votives, meules à grain, squelettes, manuscrits – elle poursuivit son éphémère éternité et, après tant de sièges destructeurs, tant de tremblements de terre, elle semble impassiblement vivre dans l'attente du dernier qui détruirait son rocher.» (La Nuit, page 204)
En main de maître, Nourredine Saâdi explore non seulement les mythes, mais aussi les fantômes des ancêtres et leurs légendes. La Nuit des origines est surtout une majestueuse reconnaissance de ceux qui ont fait, en partie, notre mémoire et notre identité tumultueuse et multiple d'aujourd'hui. Chapeau.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.