Des centaines de chômeurs gagnent leur pitance en se débrouillant dans cet immense espace de négoce où les opportunités, fussent-elles dérisoires, foisonnent. Lassés et désespérés d'attendre un travail stable, qui se fait de plus en plus hypothétique, des centaines de sans-emploi et de laissés-pour-compte se sont convertis en des as de la débrouille, d'autant plus que les opportunités insoupçonnables de survivance font florès dans le marché de gros de fruits et légumes de Chelghoum Laïd. Un nombre impressionnant de désoeuvrés ont compris qu'il est possible de gagner dignement sa croûte et obtenir des dividendes substantiels en se transformant en marchands ambulants de fruits et légumes ou en exerçant un quelconque métier dans la périphérie de cet espace de négoce. Les plus audacieux et les plus entreprenants ont réussi leur baptême de feu et se comptent, aujourd'hui, parmi les commerçants qui ont le vrai sens des affaires. Une multitude de jeunes marginalisés fait dans la débrouille. Ils achètent au gros quelques cageots de fruits et légumes, squattent le trottoir du coin et le tour est joué. Simple et efficace. A fortiori, lorsqu'on sait que les revendeurs informels écoulent, sans coup férir, leur marchandise, car les prix qu'ils pratiquent (ni taxe, ni impôt à l'évidence) sont largement abordables et leur procurent des bénéfices nets. Selon des estimations officieuses, ils sont plus de 2 000 familles à gagner leur pain quotidien de ce souk, sans compter plusieurs dizaines de pères de famille et de chômeurs venant des localités environnantes : Ferdjioua, Bouhatem, Ouled Khelouf et Aïn Melouk, qui y affluent chaque jour quêtant pour des opportunités de travail, aussi maigres soient-elles. Des adolescents dégourdis Aux aurores déjà, l'on constate, chaque jour que Dieu fait, une nuée d'adolescents bravant le froid glacial, emprunter les divers raccourcis menant au marché de gros, qui pour vendre des sandwichs maison, café, thé et une panoplie de sacherie, qui pour écouler à 15 DA l'unité les journaux du jour, et enfin ceux, dont les attributs physiques leur permettent d'opter pour les pénibles travaux de manutention (chargement et déchargement de cargaisons). Des bambins en bas âge, censés être à l'école, se fondent dans la cohorte et se démènent comme de petits diables, vendant à la criée leurs produits, accrochant les passants et leur collant presque aux basques. Les plus costauds n'en ont cure d'assumer leur rôle de portefaix, chargeant et déchargeant des quintaux de marchandise. Ils sont des dizaines d'adolescents, pragmatisme oblige, à accomplir ces tâches de corvéables quémandant, à la limite, auprès des mandataires et des fournisseurs cette prestation peu valorisante afin de gagner, en fin de journée, quelques gains pour survivre et prendre en charge leurs ayants droits. Selon des témoignages concordants, plusieurs familles, dans l'incapacité d'assumer la scolarité de leur progéniture en ces temps de disette, préfèrent rompre le cursus scolaire de leurs gosses et encouragent ces derniers à faire dans la débrouillardise, dès lors que ce créneau informel procure des bénéfices on ne peut plus substantiels.