Le vocabulaire employé par certains quotidiens nationaux dans le traitement de la campagne électorale n'est visiblement pas du goût de Mohamed Teguia. Ce « garant » du bon déroulement du processus électoral l'exprime clairement : affubler des candidats à la présidentielle du sobriquet de « lièvres » est « inacceptable ». Le coordonnateur de la Commission politique nationale de surveillance de l'élection présidentielle ne se limite pas au stade de la dénonciation ; il brandit la menace de recourir à la justice si l'on continue à qualifier comme tels ces candidats. M. Teguia ne précise cependant pas la nature du « péché » dont sont responsables ces professionnels de la presse. Diffamation ? Cette notion n'est certes pas une invention algérienne ; c'est un concept juridique qui existe bien depuis des siècles en Europe et ailleurs. Pourtant, les journaux du vieux continent usent et abusent de ce genre de qualificatifs sans qu'ils ne soient, un jour, inquiétés par la justice. « Poulailler politique », « le renard », « la poule », « le coq » sont autant de qualificatifs utilisés ironiquement par les journalistes des médias occidentaux aussi bien lorsqu'ils écrivent sur les politiciens que lorsqu'ils traitent d'une élection ou de la politique des gouvernants. Le président français Nicolas Sarkozy a été traité de tous les noms d'oiseaux sans que les auteurs ne soient traduits devant les tribunaux pour diffamation ou encore pour outrage à magistrat. Mais dans un pays comme l'Algérie où rien ne fonctionne normalement, il n'est guère étonnant qu'un responsable de la surveillance d'une élection – qui ne dit presque rien sur les dépassements dénoncés par les candidats – trouve le temps de donner des « leçons » aux médias sur l'éthique journalistique. Les candidats désignés comme « lièvres » n'ont jamais eu à protester ni auprès des journaux en usant de leur droit de réponse ni auprès de cette instance dirigée par M. Teguia. Ils n'ont pas saisi non plus la justice en vue de réclamer une quelconque réparation. Il est clair que ces candidats, au nombre de cinq, ne se sentent pas diffamés ni offensés. D'ailleurs, les journalistes ont eu à les interroger sur leur statut de lièvres. Et sans rechigner, ils ont apporté des réponses claires et respectables. Moussa Touati, à titre d'exemple, avait dit qu'il n'était pas un « lièvre », mais plutôt un « chasseur ». Pourquoi donc M. Teguia veut-il imposer son propre lexique à la presse ? Pourquoi considère-t-il de tels qualificatifs comme impropres ? Les journalistes doivent-ils se rapprocher de la commission qu'il préside pour « apprendre » le vocabulaire de la campagne ?