Dans une communication à l'Institut royal d'études internationales et stratégiques transmise à notre rédaction et portant sur le thème «Sécurité et démocratie», Mouloud Hamrouche a fait ce constat sans appel : «La démocratisation ne peut être l'œuvre d'un despote éclairé, qui agit par décret. C'est une construction longue et complexe.» Cette sentence résume à elle seule les convictions de celui que l'on désigne comme le chef de file des réformateurs, pour qui il faut rechercher un équilibre «entre l'impérative nécessité de poursuivre le processus de démocratisation du pouvoir et de la société, et le niveau de surveillance qui permet de garantir le maintien de la sécurité». L'ancien chef du gouvernement a démonté les arguments de ceux qui clament qu'une gouvernance autoritaire convient davantage pour mobiliser les potentialités et assurer une stabilité durable et garantir les progrès sociaux économiques. Pour ceux qui présentent la démocratie comme «le plus court chemin vers l'insécurité et l'instabilité», Mouloud Hamrouche a indiqué que «les sociétés qui connaissent différentes formes de violence sont gouvernées, depuis longtemps, par des régimes autoritaires». Pire encore, dit-il, «l'introduction ou la tolérance d'un faux pluralisme, un multipartisme de façade, un syndicalisme maison, un Parlement croupion et des fausses élections nourrissent le ressentiment et découragent les citoyens qui oscillent entre résignation et révolte impuissante». Pour M. Hamrouche, cette absence d'émancipation de la société élargit le fossé entre gouvernants et gouvernés et «aggrave le malentendu entre élites et citoyens (…) et débouche sur une impasse démocratique et sécuritaire». Un constat qui fait dire à l'ancien chef du gouvernement à propos du rôle de l'Europe dans la démocratisation des pays du Sud : «Il est vital pour l'Europe de remettre en cause, de rejeter ce sentiment d'impuissance, d'acceptation, de résignation, selon lequel dans les pays du Sud, il n'y a rien à faire, et qu'il vaut mieux s'accommoder des régimes en place, et se contenter de déclarations, tout en continuant à faire des affaires, en pensant qu'il n'y a pas d'autre alternative.» Renvoyant dos à dos islamistes et pouvoir, Mouloud Hamrouche a, dans son intervention, estimé qu'en Algérie, «le pouvoir et les islamistes présentent la démocratie comme un produit de l'Occident ou d'un autre monde», avant de conclure qu'il «est plus utile pour les pays d'Europe du Sud d'avoir en face des systèmes qui fonctionnent selon des règles que des régimes autoritaires». A propos de la réconciliation, elle a consisté, selon les dires de M. Hamrouche, «à amnistier les gens sans le dire» et «qu'on veut ouvrir une nouvelle page avec les mêmes instruments qui ont engendré la crise, alors que nous savons que les mêmes causes produiront les mêmes effets». Pour l'ancien chef du gouvernement, «l'islamisme est un faux alibi. Car l'autoritarisme, qu'il prenne la couleur de l'islamisme, du communisme, du nationalisme, est le même. L'alternative islamiste est la même qu'une autre alternative autoritariste portant un autre habit. Les mécanismes et le fonctionnement sont les mêmes». Plaidant pour un fonctionnement démocratique du pouvoir, Mouloud Hamrouche a révélé, en ce sens : «J'ai, d'ailleurs, été accusé de laxiste parce que j'obligeais les services de sécurité à agir dans le cadre de la loi. J'ai interdit au gouvernement de toucher à l'argent en dehors du budget.» Revenant sur le départ prématuré de son gouvernement, M. Hamrouche a indiqué que son gouvernement, qui est arrivé dans une situation de «crise économique et financière grave», a refusé le rééchelonnement de la dette extérieure. «L'Europe était tournée alors vers l'Est, dira M. Hamrouche, et ne nous a pas aidé, alors qu'il y avait également un mouvement islamiste qui contestait et qui était manipulé. Pour nous, après une longue période d'étouffement, il fallait savoir accepter un minimum de dérives transitoires».