La révision constitutionnelle préconisée par le FLN n'apportera aucun changement. La sentence est prononcée par l'ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, lors de son passage au forum mensuel, « Les débats d'El Watan », organisé jeudi dernier à l'hôtel Essafir d'Alger. Une tribune d'expression et de débat libre qui draine, comme d'habitude, une foule de plus en plus nombreuse. Devant un parterre composé d'intellectuels, d'hommes politiques, d'étudiants et de beaucoup de citoyens avides de ce genre de manifestations, Mouloud Hamrouche a fait, en effet, un constat sans concession. La révision de la Constitution est posée pour éviter le vrai débat sur la démocratisation. Cet amendement ne changera rien pour le pays », déclare-t-il. En réponse à une question concernant « la demande d'un troisième mandat pour le président Bouteflika », il rétorque sèchement : « Tant qu'on a ce régime, on n'aura qu'un seul mandat. » Selon lui, le problème de l'Algérie en particulier et de tous les pays arabes en général est celui de la démocratisation. Le régime continue, souligne-t-il, de considérer à tort que la démocratisation est synonyme de sa disparition. « C'est faux ! Il faut que le processus de démocratisation soit considéré comme un facteur de développement », lance-t-il sous un tonnerre d'applaudissements. A certains responsables arabes qui ont levé le bouclier de la souveraineté nationale pour contrecarrer le projet américain du Grand Moyen-Orient (GMO), l'orateur rappelle : « Un pays qui veut être souverain ne peut qu'être démocratique. Seuls les régimes élus démocratiquement peuvent assurer une bonne gouvernance à leur pays ». Affirmant que le régime algérien souffre d'une crise de légitimité, il soutient que « le pays est en décadence depuis quatre siècles ». Les tenants du pouvoir, ajoute-t-il, ont montré leurs défaillances. « Ils ont échoué à garantir la sécurité, le développement, la mise en place d'une grande école nationale et la structuration de la société », enchaîne-t-il, avant de dresser son constat : « Nous sommes une société de masse et non une société organisée », martèle-t-il. La violence et le terrorisme que connaît le pays actuellement, insiste-t-il, est le produit du régime autoritaire. « Si on prend le phénomène des kamikazes. Ces jeunes qui se font exploser étaient des enfants durant les années 1990. Est-ce qu'on a cherché à comprendre ce phénomène et cherché ses causes ? Rien n'a été fait pour cela », déplore-t-il. L'élite n'a pas appuyé l'expérience de 1989 Revenant sur la courte ouverture du début des années 1990, l'orateur estime que « l'adoption de la Constitution démocratique de 1989 et la volonté de la société de rompre avec les pratiques politique établies avaient entrouvert la voie pour un processus de démocratisation ». Cette brèche aurait pu, a-t-il confirmé, offrir une chance à la résorption de la crise découlant du passage d'un système finissant à la démocratie et à l'accomplissement d'un progrès certain. Ceci malgré le fait que l'entreprise manquait cruellement d'appuis et de soutiens affichés. « Il fallait renforcer les institutions parlementaires et judiciaires et encourager la liberté de la presse et le contrôle », souligne-t-il. Cet engouement à un changement est confronté, regrette-t-il, à un refus de la bureaucratie politique et à une méfiance de l'élite. C'était le courant contestataire, soucieux beaucoup plus de la chute du régime que de sa démocratisation, qui a récupéré ce mouvement. Résultat : Selon lui, le processus a été dévoyé en un pluralisme factice, une perversion de la politique et une corruption de l'élection. Dans cet ordre d'idée, Mouloud Hamrouche réaffirme son refus du multipartisme à cette époque. « J'étais contre le multipartisme et pour le pluralisme politique, parce que je considérais qu'on avait des partis politiques mûrs. On m'avait fixé un échéancier de trois ans pour effectuer des réformes. Entre-temps, on a commencé à donner des agréments aux partis et moi, je ne suis pas resté jusqu'au bout », se défend-il en réaction à la question concernant l'agrément du FIS. La vision qu'il défend, selon ses dires, est celle de la préparation de la société et des différents courants politiques à la démocratisation. Le changement, selon l'ex-chef de gouvernement, ne peut intervenir sans la participation du régime et des partis sous l'œil vigilant de la société. « Un changement initié en dehors du régime ne peut aboutir, mais un processus de démocratisation ne peut s'élaborer en vase clos en dehors de la société et sans son contrôle. Le processus de changement doit venir donc simultanément de l'intérieur du régime et de la société », indique-t-il.