On tentera, ici, une plaidoirie en se plaçant sous l'autorité de ce vieil adage populaire indiquant que « l'on va se faire l'avocat du diable », parce qu'il s'agit de comprendre donc de ne pas condamner (vous, les jurés ... de l'opinion) sans avoir jugé le fond : « l'on ne peut pas régler le problème du sida avec la distribution de préservatifs. Au contraire (leur) utilisation aggrave le problème ». Le porte-parole du Saint-Siège, Federico Lombardi, a ajouté : « Il ne faut pas attendre de ce voyage un changement de position de l'Eglise catholique envers le problème du sida ». Donc, « développer une idéologie de confiance dans le préservatif n'est pas une position correcte » car « cela ne met pas l'accent sur le sens des responsabilités »( 1). Imaginons qu'il ait dit : « l'on ne peut pas régler le problème de la faim avec la distribution des surplus agricoles. Au contraire, leur utilisation aggrave le problème ». Et « développer une idéologie de confiance dans l'aide alimentaire n'est pas une position correcte car cela ne met pas l'accent sur le sens des responsabilités ». Le nombre de sous-alimentés se monte à 963 millions fin décembre 2008 contre 923 millions en 2007 (2). En 2002, la FAO calculait déjà que « 25 000 personnes meurent de faim et de pauvreté chaque jour » et qu'il « s'agit d'une estimation au bas mot, soit un peu plus de 9 millions de morts par an, dont 6 millions d'enfants de moins de cinq ans qui meurent prématurément des suites directes ou indirectes de la faim »(3). Soit près de quatre personnes par seconde. Sur 25 ans, 220 millions. Le sida, lui, en tuerait dix par seconde. Sur vingt-cinq ans, vingt-cinq millions. Un million par an. 36 millions infectés en Afrique (4). En France, 400 personnes par an en meurent, pour 20 à 25 000 par an pour les accidents domestiques, le tabac... Tandis que 8 millions par an meurent du cancer dans le monde, seconde cause donc après la faim. Mais pour la F AO, « les causes essentielles en sont les maladies et le manque d'eau potable et d'hygiène, selon l'OMS »(5), ce qui semble étonnant alors que l'idée de mauvaise gouvernance fait plutôt son chemin, ce qui inclut surtout les hégémonies et les corruptions affairistes et étatistes(6). Pourquoi n'en serait-il pas de même pour le sida ? Pourquoi, si l'on n'arrive pas à l'enrayer comme c'est semble-t-il le cas en particulier en Afrique, pourquoi cet échec ne pourrait-il pas s'appeler également une espèce de mal gouvernance, allant de l'échelle individuelle au sommet des nations en passant par diverses institutions ? Or, qu'avance-t-on de façon si systématique ? Qu'une seule réponse, quantitative, technique, à savoir que le préservatif, peut, doit être posé comme étant « supérieur » à la fidélité (y compris dans le couple pour certains), qu'il freinerait bien mieux qu'elle le processus en attendant le vaccin. C'est cette supériorité en soi que le pape conteste, semble-t-il, en tant qu'autorité spirituelle non astreinte à la neutralité de réserve des autorités publiques. Une neutralité sans doute bien trop réservée néanmoins, d'où, sans doute, la provocation papale. Cela peut peut-être s'expliquer ainsi : comme le sida n'est pas le cancer, l'alcool ou le tabac au niveau du nombre des morts, il ne grève pas les comptes (et la trithérapie n'est guère répandue hors de l'Occident. .. ), donc les autorités peuvent se contenter de la campagne organisée principalement par le showbiz, (qui ne brille guère dans une « faim-action » hormis les Enfoirés, il est vrai ... ), un showbiz qui en a fait sa cause number one, parce qu'il aimerait retrouver, restaurer la quiétude du libertin, afin que cette figure fasse encore office de canevas romantique absolu du discours amoureux. Certes, mesdames et messieurs les jurés, cette dernière incartade du pape arrive au plus mauvais moment, après le travail de mémoire relatant les propos sceptiques d'un empereur byzantin, assiégé par les Ottomans musulmans doutant, au moment même du siège, de l'esprit de paix de cette religion dont les membres l'assiégeaient, un rappel qui n'est pas bien passé (et qui a sécrété beaucoup de violences pour affirmer que l'Islam était une religion de paix ... ). Ne sont pas bien passés non plus la réintégration de la fraternité Pie X et surtout, sans doute, le soutien à l'ex-communication de cette jeune mère brésilienne (et tout le staff médical) qui s'étaient émus de voir une gamine de neuf ans mettre au monde des jumeaux issus non de l'amour source de pardon mais d'un viol commis par le beau-père, et qui avaient donc effectué un avortement. bref, cette agrégation, même fortuite, gêne non pas au même degré, mais tout de même il s'en exhale un malaise qui, en fin de compte, viendrait moins d'une volonté de s'affirmer encore comme une Autorité qui compte que d'une exigence à parler au nom de Dieu, et plus précisément au nom de la vie créé de par en Lui (du Père par le Fils en le Saint esprit). C'est par exemple cette prétention là qui se vise elle-même dans l'excommunication de la maman brésilienne. Sauf que la classe politico-médiatique ne s'est pas autant émue que le peuple pour cette défense intransigeante de l'idée de vie. La classe a chahuté non pas du tout dans le sens de se demander si le pape serait dans son droit de rappeler à « l'idéal », comme il a été dit en France, elle s'est exclamée douloureusement (parlant de choc, traumatisme, ahurissement), parce qu'il s'agit de lui contester désormais et à jamais la possibilité de professer l'ordre des apparences dans les attitudes quant à l'amour. Ce qui n'est pas du même niveau. Et c'est cela qu'il faut traiter d'abord, du moins si l'on veut toujours comprendre. Pourquoi, en effet, le pape provoque-t-il ainsi ? Pourquoi le préservatif fait-il bien plus réagir la classe politico-médiatique que la faim dans le monde et l'excommunication de cette maman ? Pourquoi le peuple a, semble-t-il, réagi à l'inverse : il rit en réalité sous cape s'agissant du préservatif, il défend mordicus cette mère brésilienne. Avançons, (en guise d'hypothèse toujours compréhensive), que sa Sainteté croit qu'elle ne peut pas admettre cette leçon des choses, et que de ce fait, elle, (l'Eglise que le pape incarne) doit, selon lui, (ce pape), retourner à l'autorité d'une certaine tradition d'absolu (mise à mal par Vatican II) avec la nostalgie d'un âge d'or de ce qui n'était pas contesté, déjà en interne, (ce qui est également ... contestable ou alors le protestantisme, les polémiques entre quiétistes et jansénistes ne seraient qu'affabulations et Pascal un vulgaire bonimenteur). Sauf que ce retour vers une vision strictement formelle de l'absolu se voulant infaillible, donc au-delà de l'humain, (alors que cette infaillibilité n'existe pas hors des paroles mêmes des Evangiles selon le droit canonique), ce retour donc ne permet-il pas de plutôt tordre le bâton dans l'autre sens ? Ne peut-on pas, en effet, avancer qu'il n'est pas sûr que l'on puisse critiquer le réductionnisme de la théologie de la libération via la Fraternité Pie X, même s'il s'agit d'un « aussi « et non d'un « seulement » ? Car l'on risque d'être pris entre le négationnisme d'un Williamson (doute sur l'existence des chambres à gaz nazies) et le négationnisme d'une Christine Boutin (doute sur les vrais commanditaires du 11 septembre, y voyant plutôt la main de Georges Bush(7) ; ce qui n'aide pas réellement à combattre le relativisme du « condom über alles » qui, bien au contraire, se renforce par ces erreurs mêmes. A moins que l'entourage de Benoit XVI (soucieux de la défense absolue du « au nom de ») ne poursuive cette pente bien sinueuse (jésuitique ?) déjà entamée par un autre entourage, précisément celui de Pie X, choisissant, sans le dire, entre deux totalitarismes celui qui, à l'époque des années 1930, semblait moins « déicide » que l'autre ... On sait où cela a pu mener : vers la victoire sociétale en dernière instance, du nihilisme dont le préservatif est aujourd'hui devenu le veau d'or, (par exemple quand il est posé comme étant supérieur à la fidélité), non pas seulement ce nihilisme perçu par Nietzsche et Heidegger, mais aussi le nihilisme de ces anciennes divinités faisant de l'humain le plus inhumain, un dieu : ou la fascination envers la puissance même en acte (si bien décrite par Machiavel) capable d'occire des millions d'âmes « au nom » d'un seul phallus : celui du « surhomme » : guide, führer, Petit père des peuples. Certes, mesdames et messieurs les jurés, votre soudain étonnement peut aussi se comprendre, car le propos ici semble plutôt être à charge que défenseur. Sauf que, comme l'avait dit le grand Arnauld : « Pierre fut ce juste auquel la grâce manqua trois fois », ce qui peut conjecturer que si Jésus a fondé sa pierre sur celui qui le nia trois fois, ce serait bien, peut-être, en vue de montrer par là que ce « au nom de » est lui aussi faillible et donc que l'Eglise, elle aussi, a fait, fait, et fera des erreurs, (aussi plaiderons-nous ici les circonstances atténuantes et demanderons la relaxe), car, l'Eglise en sort toujours grandie lorsqu'elle sait les reconnaître, telles ce qui implique, pour les affaires nous concernant, d'admettre que les choses de la vie et de l'amour méritent mieux qu'un bannissement, une provocation, une seule issue telle que la technique du préservatif que certains exigent d'ailleurs désormais voir aussi s'afficher au sein même du couple, puisque la fidélité est considérée comme impossible. Sarah Palin n' a-t-elle pas été appelée une « non divorcée » par certains médias, preuve par neuf de sa réaction ? En tout cas, ce « mieux » ne veut pas dire qu'il faille banaliser la vie et l'amour, mais déjà en prononcer autrement le nom : Pardon. Pardonne-moi Seigneur parce que j'ai péché et que celui qui n'a jamais péhé me jette la première pierre. Sur laquelle fut bâtie l'Eglise, rappelons-le. Ce qui appelle, de part et d'autre, beaucoup d'affinement puisque l'émancipation absolue « du faire », ou se sentir infiniment libre d'agir dans ce que l'on a envie avec qui l'on a envie et quand l'on a envie (ce que, avec qui, quand) cette nouvelle trinité ne suffit pas pour atteindre la sérénité, du moins semble-t-il. Et comment faire en sorte que cette sérénité soit partagée, par exemple, dans ces écoles où l'on s'attaque à coups de marteau en guise de philosophie de la vie et de l'amour ? Se soucier « über alles » du condom « à portée-de-main » est, peut-être, un peu court. Telle serait sans doute la vraie question de « notre » Temps, mesdames et messieurs les jurés. Notes de renvoi (1)http://www.lepoint.fr/actualites-societe/sida-les-propos-de-benoit-xvi-suscitent-1-indignation-enfrance/920/0/326734 (2)http://www.fao.org/new/story/fr/item/8836/icode/ (3)http://www.fao.org/french/newsroom/new/2002/9703-fr.html (4)http://www.fao.org/focus/f/aids/aids1-f.htm (5)http://www.fao.org/french/newsroom/new/2002/9703-fr.html op.cit (6)http://www.andrebio.cpm/article-20221362.html (7)http://www.dailymotion.com/video/x2ghbc la-ministre-boutin-et-le-11-septemb news