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Bahmed Hadjadj (P/Apc Berriane) : « Les blessures profondes demandent du temps pour guérir »
Publié dans El Watan le 02 - 04 - 2009

Quel a été le facteur qui a fait prendre conscience aux deux communautés de la nécessité d'arrêter les affrontements ?
Ce sont les efforts des représentants des deux communautés sur le terrain et le travail de proximité qu'ils ont effectué.
Cela sous-entend-il qu'avant il y avait une défaillance à leur niveau ?
En fait, cette fois-ci, les délégués sont plus représentatifs et plus écoutés. Avant, il y avait un problème dans la représentation. Maintenant, chaque communauté a une seule voix, parce que les deux sont conscientes de la nécessité d'unifier les rangs, la parole et les actions pour sortir avec une solution applicable sur le terrain. Cette fois-ci, les tractations ont été une réussite, parce que les gens ne veulent plus vivre dans la peur. Une année de tension et de violence, c'est trop long pour eux. Ce qui a poussé à multiplier les efforts et à travailler pour amener les gens à retourner dans leurs maisons. Cela a commencé déjà, mais il faut encore du temps pour pouvoir y arriver. Il faudra d'abord que la confiance revienne. La feuille de route est, en quelque sorte, une batterie d'actions sociales et économiques qui va permettre le retour de la confiance. Vous savez que le chômage est un problème profond à Berriane et les prochaines semaines vont être cruciales, car s'en suivra la période des vacances, 4 longs mois à se rouler les pousses. Il faut dès maintenant penser à un programme socio-culturel et de loisirs pour éviter aux jeunes de tomber dans l'oisiveté. Les besoins sont énormes et nous espérons que les loisirs et les activités sportives, comme les tournois et les déplacements dans d'autres régions du pays qui leur seront offerts, les soulageront quelque peu de l'état de stress dans lequel ils vivent depuis près d'un an déjà.
Certains disent que le 15e point, servira à éviter la partialité de l'administration. Quel est votre avis à ce sujet ?
Tout a été fait dans la concertation de manière à éviter toute contestation après la signature de la feuille de route. L'APC est obligée de coopérer avec tout le monde pour faire aboutir les mesures contenues dans ce document. En tant que président de la commune de Berriane, ma préoccupation est surtout de voir ma cité sortir le plus rapidement possible de cette crise et plus forte qu'avant les événements. Je sais qu'il faudra du temps pour y arriver, mais aujourd'hui l'espoir est permis et personne ne peut faire marche arrière.
Nous avons noté que les citoyens appréhendaient la journée de l'élection présidentielle. Ils ont peur que des fauteurs de troubles fassent dans la provocation. Nourrissez-vous cette crainte, vous en tant que président d'APC ?
Nous appréhendons, il est vrai, cette journée, car nous savons qu'il y a des gens qui ne veulent pas que la situation soit maîtrisée. Mais il y a aussi un travail de rapprochement et de sensibilisation auprès des communautés pour isoler les extrémistes et faire en sorte qu'il n'y ait aucun incident, comme cela a été le cas pour la fête du Mawlid. Nous avons fait aussi en sorte que les citoyens puissent s'inscrire au bureau de vote de leur choix, pour des raisons de sécurité. Pour l'instant, tout est pris en charge avec l'aide des représentants des deux communautés.
Mais pour l'instant, la population est toujours scindée en deux communautés. Pensez-vous que la feuille de route puisse réussir la réunification ?
La feuille de route doit permettre cette réunification. Elle a été signée dans le but de consolider la coexistence et non la séparation. Certains de ses points insistent d'ailleurs sur la nécessité de rapprochement entre les deux communautés, car elles n'ont pas d'autre choix que de vivre ensemble comme avant. Cela prendra du temps.
Pourquoi, selon vous, les deux communautés ne sont-elles pas allées directement vers une charte de paix et ont préféré passer par une feuille de route ?
En fait, la feuille de route est, comme son nom l'indique, la route à emprunter pour se diriger droit vers la charte de la paix qui est plus large. Elle va mettre les jalons de cet accord pour lui permettre d'être consolidée et respectée dans le temps. Nous sommes très optimistes. Ce sont les efforts colossaux des deux communautés qui ont permis cet aboutissement historique. Leur tâche n'a pas été facile. Il est vrai que l'idéal, c'est d'arriver à sécuriser définitivement les deux quartiers. Les contraintes sont nombreuses et il fallait les surmonter à n'importe quel prix. Le respect a été imposé, y compris aux plus récalcitrants. C'est cela qui est, à notre avis, le plus important.
Certains citoyens se sont plaints du fait qu'ils soient obligés d'emprunter un itinéraire défini par les services de sécurité pour aller faire la prière...
Pour l'instant, et pour éviter un quelconque incident, il a été demandé aux citoyens de ne pas emprunter les ruelles non sécurisées. Ce n'est qu'une mesure temporaire, pour isoler les fauteurs de troubles. Nous ne pouvons pas mettre derrière chaque individu un policier. En revanche, nous espérons que les sages imposent la règle du respect à tout le monde, en attendant un redéploiement des services de sécurité dans la ville.
C'est peut-être l'erreur puisque, lors des événements de 2008, la situation s'est déchaînée, faute d'intervention rapide des services de sécurité ?
Une fois que la paix sera effective et la restauration des maisons détruites finalisée, les familles pourront, peut-être, retourner chez elles. Il faudra juste du temps et un retour de la confiance. Un programme de réfection des maisons avait été engagé. Malheureusement, nous avons décidé de l'arrêter parce que certaines habitations ont été une seconde fois saccagées. Il y a quelque 400 maisons à restaurer et plus de 700 sinistrés à prendre en charge, en plus de près d'un millier d'autres familles sinistrées par les dernières inondations.


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