Le double sommet d'Alger du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) a tenu toutes ses promesses. Au plan de la participation, il a été une grande réussite. Une trentaine de délégations de haut rang, dont 14 chefs d'Etat, ont pris part à ce rendez-vous continental consacré au NEPAD. A l'exception de l'absence « justifiée » du président sénégalais Abdoulaye Wade et celle de son homologue libyen Mouammar Kadhafi, qui attendait la visite du Président français, tous les pères fondateurs du NEPAD étaient présents au luxueux hôtel Sheraton de la capitale. Endroit choisi pour abriter les travaux de la 2e session du forum des chefs d'Etat et de gouvernement du Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP) et du 12e sommet du comité des chefs d'Etat pour la mise en œuvre du NEPAD. Le président égyptien Hosni Moubarak, dont la venue était présentée comme hypothétique il y a un peu plus d'une semaine, a également fait partie des invités de marque du président Bouteflika. Le détail valait la peine d'être mentionné en raison du calendrier chargé du Président égyptien, dont le pays accueille actuellement le sommet de Charm El Cheïkh sur l'Irak. Pour les observateurs, le « geste » de Hosni Moubarak est surtout à prendre comme un soutien franc à l'Algérie et au NEPAD. Une initiative qu'il a aidé, avec ses homologues d'Afrique du Sud, du Nigeria, du Sénégal et d'Algérie, à lancer et dont le pays accueillera d'ailleurs en avril 2005 le prochain sommet. Rendre compte de l'importance du nombre des participants à ce double rendez-vous africain n'a pas pour but de soigner le prestige de l'Algérie. Il sert surtout à souligner la forte adhésion et les espoirs que le NEPAD suscite à travers le continent. En ce sens, les officiels, tout autant que les journalistes venus en grand nombre des quatre coins de l'Afrique pour assister à l'événement, se sont montrés « impressionnés » par l'intérêt manifesté au NEPAD. Malgré son gigantisme, l'hôtel Sheraton a donné hier l'impression d'une boîte d'allumettes compte tenu de l'importance du rendez-vous. Certains journalistes africains se sont même allés à confier que « c'est l'une des premières fois qu'il y a autant de gens au NEPAD ». Au plan politique donc, tout semble aller pour le mieux pour le « partenariat ». Les bons points de la société civile S'agissant des résultats « concrets » des deux rencontres d'Alger du NEPAD, comme se plaisent à dire les « africano-pessimistes » (terme en vogue pour désigner ceux qui s'opposent à l'initiative), les dirigeants africains n'ont pas à rougir. C'est du moins ici l'avis de ceux qui ont été investis de la mission de leur porter la contradiction et de faire passer leur pays dans le filtre « hypersélectif » de la démocratie, des droits de l'homme et de la bonne gouvernance. C'est ainsi que la présidente du panel des éminents experts - qui fait pourtant partie des durs de la société civile africaine - n'a pas hésité à parler de « moment historique » à l'issue des travaux du MAEP. Et sa joie était d'autant plus grande que le Nigeria, l'Algérie, l'Afrique du Sud et l'Egypte venaient juste de renflouer la trésorerie du mécanisme de la bagatelle de 5 millions de dollars. (Lire notre entretien avec elle.) Mais si le constat gratifiant de Mme Savane prend une valeur particulière pour les leaders africains, ces derniers ne se sont pas contentés de se confiner dans l'autosatisfaction. Pourtant, ils ont bien des motifs de l'être. De l'avis de tous, les experts indépendants y compris, relever le challenge de faire parler l'Afrique d'une même voix et faire admettre surtout l'utilité d'un programme socioéconomique unique relevaient il y a quelque temps encore d'une « idée folle », un pari impossible. Aujourd'hui, non seulement les programmes du NEPAD sont prêts, mais la mécanique nécessaire à leur exécution est en marche. Réaliser ce travail titanesque en trois années à peine mérite déjà suffisamment, selon beaucoup d'observateurs, un chapeau bas aux initiateurs de l'initiative. Car en plus d'avoir lancé la machine, les premiers résultats du NEPAD (comme le prouvent la baisse des conflits et la croissance de 3,6% enregistrée par le continent) commencent à tomber. Ce bilan a d'ailleurs convaincu de nouveaux pays à accepter de passer au scanner démocratique du MAEP. C'est certain. Il faudra un peu plus de temps pour décrypter la tonne de documents consacrés au bilan général des activités et des actions du NEPAD et compulsés hier par les dirigeants africains. Malgré les avancées perceptibles sur le terrain, les membres du comité de mise en œuvre du partenariat ne s'en sont pas contentés. Bien au contraire, son président, M. Obasanjo, et Abdelaziz Bouteflika ont eu à relever les incohérences de la démarche. Tout en invitant justement à pallier les insuffisances, en particulier celles liées au problème du financement. Mais le clou de la rencontre aura été surtout de voir les deux leaders secouer le cocotier et presser leurs « pairs » pour se mettre à l'heure mondiale de la démocratie et des droits de l'homme. Si le président Bouteflika a tenu à attirer l'attention sur les « dangers » qui guettent encore le continent et sur le long chemin qui reste à parcourir pour se mettre sur la voie du développement, l'un de ses principaux messages aura été d'inviter cordialement l'Afrique à faire plus d'efforts d'imagination pour engranger le capital politique du NEPAD et doter le continent de moyens capables de lui assurer son autonomie et sa liberté.