Le mouvement social des «gilets jaunes», qui secoue la France depuis trois semaines, s'enlise et se radicalise. Lors de la troisième mobilisation nationale, baptisée «Acte III», qui a eu lieu hier à Paris, le nombre de manifestants pacifiques a considérablement diminué, alors que celui des «casseurs» a carrément explosé, à en croire les chiffres du ministère de l'Intérieur. Il y aurait près de 3000 manifestants violents, sur un total de 5500 personnes, qui ont participé aux différentes actions organisées par les «gilets jaunes» dans la capitale française, notamment une marche autorisée sur l'avenue des Champs-Elysées. Pour rappel, les manifestations parisiennes de la semaine dernière, toujours selon les chiffres officiels, ont regroupé plus de 8000 personnes, parmi lesquelles moins de 200 «casseurs» soupçonnés d'appartenir essentiellement à des groupes politiques d'«ultra droite». Cette fois-ci, ce serait donc la majorité des «gilets jaunes», concentrés surtout près de la place de l'Etoile, qui voulaient en découdre avec les forces de l'ordre. Au moment où nous mettons sous presse, les 5000 CRS déployés dans les rues parisiennes pour contenir les débordements auraient procédé à au moins 160 interpellations. Par ailleurs, une centaine de blessés, dont une dizaine de policiers, ont été dénombrés. Des manifestants se sont barricadés et ont incendié du mobilier urbain et même quelques véhicules. D'autres, selon certaines sources médiatiques, auraient tagué l'Arc de Triomphe et voulu profaner la Tombe du Soldat inconnu. «Je suis choqué par la mise en cause des symboles de la France», a commenté le Premier ministre, Edouard Philippe, qui a mis en garde les manifestants violents : «Rien ne sera excusé à ceux qui viennent avec la seule volonté de casser et de provoquer les forces de l'ordre.» Abondant dans le même sens, son ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a déclaré : «Les scènes auxquelles nous avons assisté ce matin sont intolérables. La volonté affichée et assumée de s'attaquer à nos forces de l'ordre, aux symboles de notre pays sont une insulte à la République.» Une «révolution citoyenne» Du côté des leaders de l'opposition, qui soutiennent tous les «gilets jaunes», le discours vis-à-vis des violences est complètement disparate. «Les images de violence exacerbée au pied de l'Arc de Triomphe, symbole de la gloire française profané par des hordes de casseurs, sont une honte ressentie au cœur par chaque Français», lit-on dans un communiqué des Républicains. Le parti de droite a condamné «les vandales qui revêtent un faux gilet jaune comme un prétexte fallacieux pour mieux se livrer à l'exacerbation de leur violence». Quant à Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, accusée de récupération politique du mouvement social à travers des militants d'extrême droite qui le pousseraient au pourrissement, elle a félicité sur son compte Twitter les «gilets jaunes» qui «ont fait rempart avec leurs corps en chantant la Marseillaise pour protéger la flamme du Soldat inconnu contre les casseurs. Vous êtes le peuple de France se dressant contre la racaille !» Jean-Luc Mélenchon, leader de la gauche antigouvernementale, a dénoncé plutôt un «incroyable acharnement contre les manifestants pacifiques». Selon lui, le gouvernement chercherait à «tout aggraver» et voudrait provoquer «un grave incident pour jouer la peur». Le patron de la France insoumise a qualifié le mouvement des «gilets jaunes» d'une «révolution citoyenne», eu égard à tout ce qui se passe non pas seulement en Île-de-France mais dans l'ensemble des régions de l'Hexagone et d'Outre-mer. Tous les regards ont été, en effet, braqués sur les incidents qui ont eu lieu aux alentours des Champs-Elysées (place de l'Etoile et Arc de Triomphe) au moment où plusieurs rassemblements pacifiques se sont déroulés partout en France, y compris dans un périmètre sécurisé de la célèbre avenue où quelques centaines de contestataires ont brandi une grande banderole sur laquelle était écrit : «Macron arrête de nous prendre pour des cons !» Ils ne digèrent toujours pas le ton et le comportement du président français à leur encontre, jugés «méprisants». Jusqu'à maintenant, Emmanuel Macron refuse de recevoir personnellement les leaders des «gilets jaunes» et de faire la moindre concession concernant les taxes sur les carburants. Ce qui a engendré une radicalisation progressive du mouvement. Tandis que la revalorisation du pouvoir d'achat des classes modestes était leur principale revendication au départ, de plus en plus de manifestants demandent un référendum pouvant ouvrir la voie à la destitution du président français.