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Mostaganem
Publié dans El Watan le 27 - 11 - 2006

Les perturbations qui secouent depuis 3 semaines le segment des aliments du bétail devraient rapidement se traduire par une augmentation très sensible des produits de basse-cour et d'élevage. En effet, consécutivement à l'augmentation remarquable des produits de base entrant dans l'alimentation des animaux d'élevages, il est attendu des tensions sur les dérivés, comme le poulet de chair, l'œuf de consommation ou de reproduction et accessoirement- mais pour d'autres raisons- de la viande rouge ovine ou bovine. C'est ainsi qu'en l'espace d'un mois, les prix du maïs et incidemment celui du tourteau de soja auront enregistré de grandes fluctuations sur les marchés internationaux. A l'évidence, cette tendance haussière ne pouvait ne pas avoir de répercussions sur les prix pratiqués en Algérie, d'autant que ces deux matières premières constituent les composants majoritaires de l'alimentation animale.
Dans son sillage, le maïs qui est totalement importé, – au même titre que le tourteau de soja et les CMV pour une facture annuelle de plus de 280 millions de dollars- va entraîner l'ensemble de la filière des aliments destinés aux animaux d'élevage. Sur le marché local de Mesra – qui est considéré comme une sérieuse référence en matière de volume des transactions-, la balle de paille a été cédée à 250 DA, soit le double de son cours habituel. Durant les années fastes, ce sous produit est considéré comme étant relativement marginal. Ce qui ne l'empêchera pas de jouer un rôle considérable lorsque le fellah se sent acculé par les prix des matières premières nobles comme le son de blé, le foin, le Maïs et l'Orge. Rien d'étonnant alors que les cours du Maïs viennent d'atteindre le record historique de 1995, en se vendant à pas moins de 2.000 DA le quintal. Il y a à peine 3 mois cette céréale était cédée à 1300 DA le quintal. Un bon de 700 DA, soit plus de 50% du prix antérieur vient d'être franchi. Il y a de cela 2 semaines, tous les opérateurs s'étaient offusqués face à un prix de 1600 DA !
Une rumeur pernicieuse
Le son de meunerie qui constitue généralement la première matière première de substitution au maïs, se négociera rapidement aux alentours de 2000 DA, soit au même niveau que ce dernier.
A la différence que la quasi-totalité de l'orge est produite localement. Toutes ces perturbations qui affectent de plein fouet la filière étaient-elles prévisibles ? Assurément, mais seulement pour les quelques initiés pour qui l'évolution des cours mondiaux qui reflètent l'état des stocks, ainsi que les présages d'une récolte plutôt moroses dans l'hémisphère Sud sont des signes qui ne trompent pas. Cependant, chez ces milliers de petits éleveurs, personne n'envisageait une désarticulation aussi profonde du marché.
C'est pourquoi, petits et gros éleveurs de volailles étaient loin de s'imaginer que les premières répercussions des cours mondiaux sur leurs approvisionnements en matières premières ne sont pas le fait des importateurs, mais traduisaient fidèlement l'évolution du marché international.
Mis à mal par des augmentations à répétitions, les éleveurs ne cesseront de dénoncer ces hausses qu'ils assimileront trop hâtivement à des manœuvres spéculatives. En effet, lorsque le prix du maïs passera de 1300 à 1400 DA au quintal, ils étaient nombreux à montrer du doigt ” ces spéculateurs occasionnels”. Contrairement à l'idée répandue, ce commerce très particulier est entre les mains de l'ex ONAB -qui importe du maïs, du CMV et du tourteau de soja pour ses besoins propres-, et de deux opérateurs privés. Surtout lorsqu'à chaque enlèvement, les prix seront invariablement revus à la hausse. Ainsi, dès la mi septembre, la tendance haussière ira crescendo. Elle sera relayée et amplifiée par des intermédiaires que sont les revendeurs de matières premières et les petits fabricants d'aliments du bétail. Si bien qu'à la mi-novembre, les prix auront atteints des points de non retour. Au grand désappointement de ceux qui avait parié sur une action spéculative de courte durée. Après deux mois, tous seront convaincus que la tendance allait s'installe dans la durée. Les premiers contrecoups finiront par apparaître là où on ne les attendaient pas. La période étant généralement propice à la relance de l'activité avicole, la majorité des éleveurs de poules pondeuses et de poulets de chair ayant remplis leurs poulaillers dès le mois de septembre, il leur sera quasi impossible d'arrêter les frais.
Un marché mondial en pleine crise
Une alternative tout à fait envisageable pour le poulet qui est généralement abattus à 55, voire 60 jours, mais qui peut être sacrifié dès le 42e jour d'élevage. Mais concernant la pondeuse, livrée par les accouveurs à l'âge de 17-18 semaines, elle vient à peine d'entamer son cycle de ponte qui peut s'étaler sur 10 mois. En raison de l'incapacité des gallinacés à lutter contre les fortes chaleurs, les éleveurs qui ne disposent pas d'un système de climatisation peu onéreux et parfaitement efficient, auront fait le choix d'entamer l'élevage dès la fin de l'Eté.
Autant dire que cette pratique s'est imposée à l'ensemble de la filière, à tel point que certains accouveurs font correspondre leurs éclosions avec la fin des grandes chaleurs.
D'autres contraintes vont venir assombrir davantage l'avenir de l'aviculture en particulier et l'élevage des autres espèces d'une manière aussi frontale. Le premier facteur, d'ordre naturel est relatif à l'absence de pluies, à tel point que dans certaines régions, la saison des labours semailles prend les contours d'une catastrophe. En effet, la rareté de l'herbe dans les zones de pacages aura eut un double effet sur les élevages bovins et caprins. La demande sur les fourrages devenant de plus en plus pressante, les éleveurs sont contraints de se séparer d'une partie de leur cheptel. Cette arrivée massive d'animaux vers les marchés traditionnels se répercutera rapidement sur les prix, qui entameront une chute vertigineuse dont ne profitera pas le consommateur. Les chevillards et les bouchers auront de suite parasité la baisse en ne la répercutant pas sur le consommateur. Ceux qui fréquentent assidûment les marchés à bestiaux savent que la seule rareté de l'herbe conduit les éleveurs à brader leur cheptel.
Pourtant ce dérèglement du marché intérieur n'est que la conséquence de la crise qui secoue des pans entiers de l'économie mondiale. La filière avicole étant le principal pourvoyeur en protéines du régime alimentaire, toute perturbation dans l'approvisionnement de cette activité pourrait avoir des conséquences incalculables sur l'économie mondiale. Ceci s'explique par une conjoncture mondiale en pleine désarticulation en raison essentiellement des mauvaises récoltes réalisées au cours des dernières moissons mais également par des prévisions plus qu'alarmistes en provenance de l'hémisphère Sud dont les récoltes sont attendues à partir de la fin de l'année civile.
Alors que les perspectives établies par la FAO prédisaient un marché stable, il aura suffi que la Chine et les Etats-Unis révisent à la baisse leurs prévisions de récolte pour que le marché s'emballe. Les prix aussi bien des anciennes que des nouvelles récoltes augmenteront. Déjà en 2005, la production de céréales secondaires, avait diminué de 4,9%, après une augmentation de 9,6% en 2004. Cette régression aura concerné aussi bien le maïs que l'orge dont l'offre chutera de 4,1 et 10,7%, respectivement. Entraînant une augmentation annuelle des prix de plus de 7% contre une baisse de 14,3% durant l'année 2003.
Pour l'année 2006, après les premières récoltes de l'hémisphère Nord, les prix de l'orge et du maïs, en raison de fortes tensions entre l'offre et la demande, seront revus à la hausse. Le maïs qui est la plus sollicitées des céréales secondaires subira de plein fouet la forte demande des industriels et des éleveurs qui se feront une rude concurrence.
Le maïs jaune américain atteindra les 117 dollars la tonne, marquant ainsi une hausse de 20 dollars en l'espace d'une année. De son coté le maïs argentin de la dernière récolte (2005) s'échangera à pas moins de 113 dollars. Les cours se seront emballés dès les prémices de sécheresse en Australie et les faibles précipitations enregistrées en l'Argentine. En effet, en mars 2006, les prix à terme sur le marché de Chicago pour les livraisons automnales se situaient à moins de 90 dollars ! Ce ne sont pas que les faibles récoltes de l'hémisphère nord qui sont responsables de la forte hausse ; qui selon toutes vraisemblances devrait se maintenir du moins jusqu'à l'année prochaine.
Experts et observateurs seront unanimes à souligner l'impact de l'usage industriel de maïs aux Etats-Unis, en Chine et au Brésil, où le recours à l'éthanol comme énergie de substitution aura été fortement encouragé par les mirobolants prix du pétrole.
Alors que les observateurs avaient anticipé une reprise de la consommation de volaille en raison de l'accalmie sur le front de la grippe aviaire, – qui devait se traduire par une augmentation de la demande en céréales secondaires de près de 3%, soit 3 millions de tonnes-, personne ne s'attendait à autant de turbulences en une si courte période. Du coup, tout le monde semble s'aligner sur un maintien de la demande que l'on évalue à 997 millions de tonnes. Dont 624 millions sont destinés à l'élevage et plus de 175 millions serviront à la consommation humaine.
S'adapter aux standards internationaux
Pour les opérateurs nationaux, dont le nombre devrait osciller autour 12.000 éleveurs, ils doivent s'adapter ou disparaître. Leur sort dépend de plusieurs facteurs dont les leviers sont entre les mains du négoce international. Le pays étant incapable de leur assurer une production céréalière de substitution, ils sont contraints de confier leur sort aux agriculteurs américains, australiens, sud africains, argentins ou européens dont les performances dépendent en grande partie des conditions météorologiques. Deux semaines de sécheresse en Australie ou en Argentine, pouvant changer totalement le cours des choses. Il y a également un autre paramètre qui accentue la tension. C'est celui du fret maritime qui peut atteindre les 35 dollars la tonne entre l'Amérique latine et le port de Mostaganem ou d'Oran. Notons enfin la fermeté des prix du pétrole, qui semblent se maintenir au dessus de la barre des 60 dollars. Ce qui devrait inciter les industriels à se rabattre sur le maïs pour produire de l'énergie à moindre coût. Rien qu'au niveau des USA et de la Chine, les quantités de maïs qui seront transformées courant 2007 en bioéthanol devraient atteindre respectivement 50 et 5 millions de tonnes.
Face à ces certitudes, les aviculteurs devront nécessairement revoir leurs process de production. Dont la maîtrise devrait se traduire par une meilleure productivité qui leur permettraient d'aligner leurs rendements sur ceux des pays développés. A défaut, nombreux seront ceux qui finiront par quitter cette filière où les performances – notamment au niveau du poulet de chair- atteignent à peine 70% de celles des élevages européens. Cela concerne pas moins de 15.000 éleveurs privés totalisant en moyenne 230.000 tonnes de viandes/an, soit un apport non négligeable de 7 kg de viande blanche par habitant. En s'alignant sur les standards d internationaux, il est possible de diminuer l'indice de consommation qui est actuellement de 5 kg d'aliment -dont 3,5 kg de maïs- pour 1 kg de viande. Il s'agit là d'un indice de conversion très élevé qui augmente considérablement le prix de revient. Pour le réduire, il suffirait, dans un premier temps, de réduire la durée d'élevage à 45 jours. Car au-delà, l'animal transforme les céréales non pas en muscles mais en graisses dont personne ne voudra. La remise à niveau de cette filière passe obligatoirement par la réduction des dépenses inutiles. Rien qu'au niveau du maïs destiné au poulet de chair, on pourra faire une économie de 350.000 tonnes. Ce qui ne devrait pas dispenser l'état de son rôle de régulateur d'une activité dont plusieurs segments – celui des aliments du bétail et de l'élevage de poulet de chair et des poules pondeuses, ainsi que les sinueux et obscurs circuits d'abattage et de commercialisation- lui échappent en quasi-totalité.


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