Après avoir connu des années d'euphorie et de prospérité, certains pharmaciens d'officine peinent désormais à joindre les deux bouts dans une activité qui semble avoir atteint ses limites. L'abandon, selon des sources au sein de la corporation, du numerus clausus à l'installation des pharmaciens, lequel fixe la norme d'une pharmacie pour 5 000 habitants, a conduit à ce blocage qui s'apparente à une saturation de l'activité. Le fait de renoncer à cette norme a fait qu'à Jijel, par exemple, et selon un pharmacien « il y a désormais une pharmacie pour moins de 2 000 habitants ». Cet état de fait a conduit à une baisse, drastique pour certains, des revenus, dont il faut pourtant s'accommoder, d'après des pharmaciens qui avouent peiner même à payer les charges et les frais de gestion de leurs officines. Ceci dit, si certains arrivent toujours à maintenir un chiffre d'affaires conséquent, ce n'est pas le cas pour d'autres. Ces derniers reconnaissent que « l'activité des officines pharmaceutiques n'est plus qu'un banal commerce », dans un contexte où une véritable lutte de survie est engagée entre les pharmaciens pour s'accaparer « le maximum » de clients. Réduits à courir derrière les sous et à chercher leur intérêt au détriment de la santé du malade, selon les aveux de certains pharmaciens, ces derniers restent ouverts le week-end, les jours fériés et même la nuit pour faire le maximum d'heures de travail dans l'espoir de gagner quelques dinars de plus. Cela, sans aucun respect, nous a-t-on dit, du calendrier des gardes établi par les services de la DSP. Dénonçant ce qu'il nomme « déchéance », un de nos interlocuteurs ne sera pas tendre avec ses confrères de la corporation, les rendant responsables de cette situation, les accusant d'avoir « abandonné la vocation déontologique de leur profession pour courir derrière d'hypothétiques gains ». Dans ce contexte, le marasme des pharmaciens ne semblent pas s'arrêter là, puisque ces derniers doivent faire face à d'autres contraintes liées, entre autres, à la vente concomitante qui leur est imposée à chaque commande de médicaments, la rupture régulière des produits médicamenteux et la gestion de…leurs stocks périmés. Pour ce dernier point, un pharmacien précise : « Depuis des années, on est dans l'attente d'une solution à ce problème qui se pose avec acuité, d'autant plus que de temps à autre on reçoit des correspondances nous invitant à faire l'inventaire du stock périmé, mais sans qu'on soit réellement orientés vers une piste pour se débarrasser des produits qui encombrent nos étagères et dont la date de péremption est dépassée ». Le souci de la marge bénéficiaire, qui n'a guère bougé depuis deux décennies, selon les mêmes déclarations, en dépit d'un contexte inflationniste galopant, est également l'une des raisons qui poussent les pharmaciens au pessimisme. La revue à la hausse de cette marge, qui tourne en moyenne autour de 20%, et qui fait l'objet d'une revendication insistante de la part des syndicalistes du Snapo auprès des pouvoirs publics, est nécessaire pour permettre au pharmacien d'avoir le juste bénéfice, afin, est-il souligné, de rééquilibrer des revenus en baisse constante.