La campagne électorale qui prendra fin ce soir aura été un chef-d'œuvre de platitude. Durant 21 jours et avec des moyens pourtant sophistiqués, les six candidats n'ont pas pu arracher la majorité des Algériens à la monotonie du quotidien. Le candidat président qui a invariablement prêché le même message dans toutes les wilayas, à savoir que les Algériens « s'intéressent à la politique », a dû se rendre compte que leurs préoccupations sont ailleurs que dans les meetings ou les discours aussi faméliques que soporifiques des candidats. On notera pour preuve que la chère pomme de terre a ravi la vedette aux six candidats à la présidentielle pendant plusieurs jours ! Aucune promesse originale ni déclaration tonitruante ne sont venues pimenter un peu une campagne pourtant sucrée par des cagnottes d'argent qui ont fait pâlir d'envie l'Algérien lambda. Les vicissitudes quotidiennes des Algériens n'ont pas trouvé grâce aux yeux des candidats, notamment le président sortant qui n'a pas jugé utile de tenir un discours terre à terre qui aurait pu coller justement à la pomme de terre par exemple. Cette « stratégie » discursive ressemble à une feuille de vigne destinée à cacher un bilan bien peu glorieux. Et pour créer une illusion d'optique, le staff de Bouteflika a déployé une véritable machine visuelle à travers ces milliers de portraits géants comme on n'en a jamais vu en Algérie. A défaut d'arguments en béton pour soigner son image, le président candidat a opté pour le ravalement des façades avec ses portraits qui tapissent toutes les ruelles et venelles de la capitale et des grandes villes et même les sièges des institutions. On n'aura jamais autant vu « Boutef » que durant ces 21 jours. Côté image, il n'y a vraiment pas photo ! Les malheureux Mohamed Saïd et Fawzi Rebaïne passent pour des candidats aux APC devant l'omniprésent Bouteflika. Le premier a été même contraint à Annaba de changer de salle de meeting après avoir découvert sa salle décorée aux couleurs du candidat au pouvoir. Djahid Younsi a été tout simplement interdit d'accès à Constantine au moment où Bouteflika prenait son bain de foule. Ali Fawzi Rebaine a, lui, opté pour le système « D ». Il descend dans les cafés et les marchés faute de public. Quant à la teneur de son discours, elle ne dépasse pas le cadre des discussions de café. Pacte de non-agression Il a fallu attendre la dernière semaine pour entendre nos vaillants compétiteurs oser quelques critiques salées sucrées en direction du président sortant. Tout se passait comme s'il y avait un pacte de non-agression. Bouteflika, lui, n'avait aucun adversaire si ce n'est ce fantôme de l'abstention. « Voter pour qui vous voulez, mais votez quand même ! », n'avait-il cessé de marteler. Et par endroit, il avait même invité ses supporters à voir les programmes de ses concurrents en précisant : « Mes dix années de présidence dont vous m'avez honoré me suffisent ! » Cet exercice d'auto-flagellation est bien sûr destiné à entretenir un faux suspense et à donner quelque espoir à ces faibles concurrents. Et cela a marché. Rebaïne, Touati et Younsi se sont vite pris au sérieux en se mettant dans la peau de présidentiables et étalant leurs feuilles de route. Seule Louisa Hanoune a certainement marqué des points durant cette campagne, ne serait- ce que par rapport à l'audience de son parti. Avec ses structures locales et sa logistique couplée à un discours socialo-populiste, la candidate du PT a mené une campagne correcte, mis à part quelques dérapages verbaux contre les partisans du boycott. Sur ce plan, force est de relever que le Premier ministre a été aux avant-postes, comme d'habitude. C'est dire que jamais campagne électorale pour l'élection présidentielle n'a été aussi terne. La seule fois où elle a suscité un peu de curiosité était lors du « retour » de Bouteflika en Kabylie. D'ailleurs lui-même le répétait à l'envi : « Je ne suis pas venu vous vendre un programme ; mon programme ce sont mes dix ans de pouvoir. » Il était donc difficile de mobiliser des millions de citoyens occupés à écumer les marchés à la recherche de la chère pomme de terre qu'ils ne peuvent plus se payer. C'est la seule vraie récolte de cette campagne.