-Vous venez d'être refoulée du sol algérien. Comment cela s'est-il passé et quelles sont les raisons avancées par les autorités algériennes ? Malheureusement, je n'ai eu aucune explication ! Je suis arrivée à partir de Paris à l'aéroport d'Alger dans la matinée de samedi. Au moment de franchir la PAF, j'ai été appréhendée par les services de sécurité qui m'ont orientée vers un policier chargé, selon eux, de la prise en charge des journalistes étrangers. Celui-ci m'a fait patienter avant de me présenter à deux inspecteurs qui m'ont demandé d'abord si j'avais sur moi un billet d'avion. Ma réponse était évidemment positive puisque dans le cas contraire je n'aurais pas pu prendre l'avion... Ils ont par la suite vérifié le document et m'ont tout de suite invitée à rebrousser chemin en m'expliquant que j'étais interdite d'accès au territoire algérien. J'ai demandé les raisons d'une telle interdiction. Ils ont répondu qu'ils n'avaient aucun justificatif à me fournir. J'ai alors tenté d'expliquer aux messieurs qu'il y a cinq pays du Maghreb qui ont signé un accord pour la libre circulation des citoyens et l'Algérie en fait partie, donc j'ai le droit d'entrer dans ce pays. Les inspecteurs ne voulaient rien entendre. Ils ont répliqué par un niet. Nous avons reçu des consignes que nous appliquons à la lettre. Un agent de police m'a alors escortée jusqu'à l'avion pour s'assurer que je suis effectivement repartie. Votre visite en Algérie avait un double objectif : couvrir l'élection présidentielle et participer à un travail consistant en l'observation des médias algériens durant la période électorale. Ne pensez-vous pas que c'est cette mission qui est à l'origine de ce refoulement ? Non, je ne pense pas. Etant membre du groupe arabe de monitoring des médias AWG-MM (Arab Working Group), je devais participer au programme de monitoring pour les médias initié par la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme dirigé par Mostefa Bouchachi. Ce n'est pas la première fois que l'on organise une telle activité. Nous avons observé la performance des médias, sans aucun problème, dans plusieurs pays, notamment au Maroc, au Yémen... A cet effet, un rapport détaillé sur ce travail justement sera rendu public avant le 9 avril prochain. Mais alors quelles sont les véritables raisons du refoulement systématique des militants tunisiens du sol algérien, puisqu'il y a déjà eu un précédent ? Je suspecte une collaboration entre les autorités algérienne et tunisienne. En plus clair, le président Zine El Abidine Ben Ali aurait demandé au président Bouteflika de refuser l'accès au territoire algérien à tous les militants des droits de l'homme et à tous ceux qui se sont engagés pour la démocratie en Tunisie. J'ai eu cette information de source sûre. Pourtant, j'ai un grand respect pour l'Algérie, mais je suis très déçue parce que j'étais persuadée que les dirigeants algériens prenaient leur décision de manière indépendante et non sur autorisation de Ben Ali. Comment qualifiez-vous cet acte ? Je suis révoltée et indignée par ce type de comportement et je regrette que l'Algérie soutienne Ben Ali. Que l'on bafoue les droits élémentaires des Tunisiens en Tunisie, cela ne constitue nullement une surprise, mais ce que l'on accepte mal et qui m'attriste est de voir que cela s'étend à d'autres pays comme l'Algérie. Je suppose que des instructions similaires ont été données aux autorités marocaines, qui – c'est tout à leur honneur – ne les ont pas exécutées, car je n'ai jamais été empêchée d'entrer au Maroc. J'estime que les liens qui unissent les deux pays ne justifient en rien ce type d'acte et il est triste de constater que l'édification de nos pays se construit beaucoup plus sur le volet sécuritaire et non sur une unification d'un Maghreb où l'intérêt du peuple prime. Ce comportement est, malheureusement, le prolongement de la volonté des Européens à construire une barrière de sécurité qui empêcherait le mouvement et la circulation des personnes dans l'espace méditerranéen.