La flambée des prix des fruits et légumes est sur toutes les lèvres. Exit le sujet de la campagne électorale qui semble ne pas intéresser les ménages. Petit tour des marchés. Marché Bab Azzoun, non loin de la mythique place des Martyrs. Les étals sont bien achalandés, mais les prix, qui ont atteint des seuils records ces derniers jours, donnent le tournis. Aliments de base, la pomme de terre caracole à 90 DA le kilo, l'oignon 60 DA/kg, la tomate 80 DA/kg. Ecoulé à 40 DA, il y a quelques semaines, la carotte culmine à 65 DA le kilo, tandis que les fèves sont cédées à 60 DA. Le poivron est à 200 DA. Idem pour les fruits. Un kilogramme d'oranges est cédé à 100 DA, la pomme à 150 DA/kg et les bananes sont écoulées à 125 DA. A 300 DA le kilo, les fraises sont un luxe pour les familles aux modestes revenus. Boualem, la trentaine, fonctionnaire, peste contre les pouvoirs publics, incapables, selon lui, de trouver des solutions à ces flambées chroniques et ruineuses. « On ne comprend rien à ce remue-ménage. Les autorités rassurent et usent d'arguments fallacieux, mais la réalité est bien amère. Alors, nous crapahutons pour arriver à joindre les deux bouts.Nos gouvernants se préparent à tenir des élections. Je trouve honteux cette hypocrisie à nous bombarder de promesses au moment où le tubercule devient un luxe », fulmine-t-il. Et d'ajouter : « Cela fait plusieurs années que nous payons les pots cassés. Et cela devient vraiment insoutenable et révoltant. » Le salaire de Boualem, qui est de 20 000 DA, est vite absorbé par les nombreuses dépenses. A l'instar de beaucoup d'Algériens, il n'en finit pas de faire ses calculs d'épicier. Père de 4 ans enfants, il dit être dans l'obligation de s'adonner à d'autres « petits boulots ». « Humiliés que nous sommes par la cherté de la vie, je ne me sens aucunement concerné par ces élections. Et puis, tout n'est-il pas joué d'avance ! Même les plus jeunes le savent. Ce n'est un secret pour personne », lâche-t-il, amer. Changement de décor. Marché T'nach à Belcourt. Le niveau de la mercuriale n'a pas changé d'un iota, avions-nous observé. Deux vieux sont assis à même le sol à palabrer. « Vous savez, mon enfant, ça devient de plus en plus cher. Je ne vous cache pas que j'ai pris une tomate entre les mains avant de la déposer sur l'étal. Le kilo coûtait 90 DA. Je me demande comment nous allons faire si cela continue comme ça », soupire l'un d'eux. Pour lui, la responsabilité de la flambée des prix incombe au gouvernement. Affirmant que ce dernier « ne fait rien pour nous soustraire de cette misère », il estime de son devoir de leur rendre « la monnaie » en ces temps de campagne. Comment ? « Nous ne nous sommes pas les dindons de la farce. Le jour du vote, je resterai à la maison. C'est notre manière à nous d'exprimer notre colère », jure-t-il en haussant le ton. Son collègue se contente d'acquiescer. Non loin d'eux, des vendeurs tentent d'attirer de nouveaux clients. Ici, les ménages, comme partout ailleurs, s'approvisionnent au compte-gouttes. « Avec les prix hors de portée pratiqués, je n'achète que par petites quantités », explique une femme, quadragénaire. Ira-t-elle voter en ces temps de flambée ? Déconcertée, notre interlocutrice trouve « indécent tout ce tintamarre », faisant allusion à la campagne électorale, dont la clôture est prévue aujourd'hui. Son exigence est celle de tous les Algériens. « Ils devraient travailler d'abord à améliorer le vécu des gens au lieu de nous servir autant de promesses mensongères », objecte-t-elle, en estimant qu'elle a « d'autres chats à fouetter que de se rendre à l'isoloir ». Même propos indignés de Smaïl, fonctionnaire à l'APC de Belouizdad, rencontré au marché. « Alors que les prix des fruits et légumes s'affolent, l'on nous invite à aller au vote. C'est du mépris ! La campagne actuelle est faite juste pour amuser la galerie », indique-t-il, en concluant que « les citoyens sont plutôt préoccupés par leur gagne-pain que par l'urne. »