Le système présidentiel fort dans lequel l'Algérie est entrée à la faveur de la dernière révision constitutionnelle qui a renforcé les pouvoirs du président de la République a, dans l'absolu, ses vertus. Cela, bien entendu, lorsque les règles du jeu démocratique, quand le principe cardinal en démocratie de la séparation des pouvoirs sont respectés par tous, de la base au sommet de l'édifice institutionnel. Le système présidentiel qui a pour objectif sain d'instaurer une cohérence dans l'action de l'Exécutif relève d'un exercice difficile où le chef de l'Etat est à la fois le chef d'orchestre, l'arbitre et le garant des libertés démocratiques et de la souveraineté populaire. C'est tout le contraire d'un pouvoir absolu qui règne sans partage sur un pays et ses institutions. C'est là le danger qui guette les régimes non démocratiques qui ont adopté ce système de gouvernance. La concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République ne doit pas dériver vers l'instauration d'un système de régence où il n'y aurait nulle place pour la contestation et l'opposition qui doit s'exprimer pleinement et sans entrave dans et en dehors des institutions. Le moins que l'on puisse dire est que durant ses deux mandats successifs, le président Bouteflika n'a pas fait d'effort particulier pour jeter des passerelles avec l'opposition et les autres contre-pouvoirs – la presse et les syndicats libres – auxquels il a mené la vie dure parce que considérés comme des fauteurs de troubles dans une Algérie censée être pacifiée et réconciliée sous son règne. La réconciliation nationale qui fonde le programme d'action de Bouteflika s'est faite avec certains segments de la société qui ont programmé la destruction de l'Algérie et laissé sur le quai les autres forces vives de la nation qui œuvrent pour une Algérie moderne, pluraliste, et l'avènement d'une réelle démocratie participative. Le président Bouteflika qui sait qu'il a entamé la dernière ligne droite de sa carrière politique avec ce troisième mandat – il n'a par conséquent plus rien à perdre mais tout à gagner – changera-t-il son fusil d'épaule en améliorant ses rapports avec l'opposition et les différents contre-pouvoirs pour en faire des partenaires écoutés et respectés, des forces de proposition même si certains assument pleinement leur rôle dans le camp de l'opposition. Les syndicats libres qui occupent la rue depuis plusieurs mois pour faire valoir leur droits dans un contexte de panne totale de dialogue social, les partis politiques qui ont déserté le champ politique ou gelé leur activités politiques parce que considérant que celui-ci est complètement verrouillé, la liberté de presse qui a connu une dramatique régression avec le harcèlement multiforme qui s'abat sur les titres qui dérangent sont autant de passifs avec lesquels le président Bouteflika entamera son troisième mandat.