Tandja vient de passer à l'acte, à son tour. Et ce n'est pas faute de résistance. La société civile, l'opposition politique et même les institutions ont fait tout ce qu'elles pouvaient pour empêcher la forfaiture. Le président Tandja aura forcé tous les barrages légaux que la démocratie naissante au Niger a dressés devant sa volonté de s'éterniser aux commandes du pays. Nous ne sommes pas, en effet, dans la situation algérienne où les institutions fonctionnent sur le principe de l'allégeance et où le président de l'Assemblée nationale explique les vertus démocratiques de la présidence à vie. Non : avant ce “coup d'Etat constitutionnel”, comme l'appelle l'opposition, la classe politique et la société nigériennes avaient commencé à jouer le jeu de la règle démocratique. Le président Tandja a dû se montrer exemplaire d'entêtement pour en arriver au référendum d'hier ; il a fallu, au préalable, qu'il affronte toutes les oppositions, qu'il dissolve l'Assemblée nationale, qu'il change la composition du Conseil constitutionnel et qu'il ignore les appels et les menaces de sanctions de la communauté internationale et de l'Europe en particulier. Mais la Chine qui, partout en Afrique, se propose de combler les défections européennes, est encore moins regardante sur les droits fondamentaux dans les pays pétroliers du continent. À soixante et onze ans, il n'a pas rechigné à compromettre l'image de son pays et la perspective démocratique, un moment encourageante, pour ce pays pauvre mais au sous-sol prometteur en uranium et en hydrocarbures pétroliers. Mais c'est peut-être cela qui ravive l'appétit des dictateurs finissants. Cette recherche de l'inamovibilité est à l'origine d'une cascade de putschs constitutionnels sur le continent. D'autant plus que l'Union africaine, si elle est devenue prompte à réagir aux coups d'Etat militaires, s'accommode parfaitement de ces aggiornamentos civils. Cela n'émeut point leur syndicat continental que les présidents membres recoupent allègrement les constitutions pour les conformer à leur ambition de s'éterniser aux affaires. Il n'y a qu'à considérer la moyenne d'âge des chefs d'Etat de l'UA pour se rendre compte de la vanité du principe d'alternance au pouvoir dans les “démocraties” africaines. C'est à vous faire apprécier le franc jeu d'un Kadhafi qui assume l'emprise autoritaire sur un Etat qu'il a, un jour, conquis. Outre l'Algérie et son modèle tunisien, le Togo, le Gabon, le Tchad ont éprouvé cette méthode de prolongation “constitutionnelle” de règne, présentée par cette espèce de régimes “persistants” comme un acte d'“approfondissement” de la démocratie. À qui le tour ? Certainement à Blaise Campaoré qui va clore son deuxième mandat en 2010. Il s'apprête déjà à reconsidérer la limitation qu'il avait lui-même introduite après avoir “réformé” son “frère” Thomas Sankara. Puis l'éternel Paul Bya du Cameroun en 2011. Et à l'avenant… Dans le cas de ce dernier, c'est une constitution réformée une première fois pour restreindre le nombre de mandats présidentiels qu'il révisera pour étendre ce même nombre de mandats. Et le même président recommence une nouvelle carrière avec chaque nouvelle république ! Ce serait comique si ce n'était pas tragique. M. H. [email protected]