Jusqu'à hier, pas la moindre quantité de kif n'a échoué sur les 80 km du littoral témouchentois, alors qu'au fil des jours de la semaine écoulée, la mer n'a cessé d'en rejeter : un record de 28 quintaux. Cette quantité phénoménale est la traduction de la progression du trafic de drogue et l'évolution du modus operandi des narcotrafiquants. On a observé que des colis hermétiquement conditionnés étaient rejetés dans divers endroits de la côte, alors que d'autres quantités étaient retrouvées dissimulées sur des yachts dérivant ou chargées sur des semi-rigides échoués sur le rivage. Pour ce qui est des colis flottants, deux thèses sont avancées. La première évoque des délestages opérés à la vue des gardes-côtes algériens ou espagnols, alors que la seconde opte pour des largages confiés aux courants marins, des courants dont la connaissance par les narcotrafiquants les assure d'un échouage de leurs livraisons sur des sites précis où viendraient les récupérer leurs destinataires. Des habitants des communes côtières font la chasse au kif et deviennent des dealers occasionnels chaque fois que la mer est démontée et qu'elle rejette ces paquets. Concernant les embarcations à la dérive avec leurs chargements, l'énigme demeure entière. Elle est d'autant épaisse que ces bateaux sont à l'état neuf, équipés de moteurs dépassant même en puissance ceux de la marine nationale. S'agit-il d'une guerre entre narcotrafiquants défendant leurs aires d'action ? Il y a lieu de noter enfin que ce n'est que depuis quelques années que le transport par voie maritime a pris une telle envergure. Cela a coïncidé avec le renouement par les services de sécurité avec leurs missions traditionnelles depuis l'amélioration de la situation sécuritaire. La wilaya de Aïn Témouchent, qui était le lieu obligé du transit du kif traité venant de la frontière nord-ouest, est devenue de moins en moins sûre pour les trafiquants. Encore, le pays est devenu une plaque tournante, en direction de l'Europe et du Moyen-Orient, ce qui a augmenté l'importance du trafic. En plus de la mer Méditerranée, les trafiquants ont ouvert une voie par la mer des dunes et regs du Sahara. Il reste cependant que l'idée que l'Algérie est devenue une plaque tournante ne devrait pas faire oublier qu'elle est, elle aussi, devenue une grande consommatrice de résine de cannabis. A cet égard, avec la fermeture sur la durée, depuis plus de deux décennies, de la majorité des lieux liés à la consommation des boissons alcoolisées, celle de la zetla a connu une progression remarquable, cela d'autant que sa consommation est peu détectable même sur les lieux publics, moins stigmatisée socialement, mais encore à la portée de toutes les bourses.