La compagnie indépendante El Gosto Théâtre, créée par Ziani Chérif Ayad à Alger et Marseille, se produit enfin en Algérie. Trois représentations sur la scène du Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi, les 14, 15 et 16 avril. Et quand nous disons «sur la scène», ce n'est pas une image. En fait, en plus de la troupe qui sera naturellement sur scène, il y aura aussi le public limité à 120 personnes entourant les comédiens. Il ne s'agit pas d'une volonté élitiste ou discriminatoire mais bel et bien d'une démarche artistique. Ziani Chérif a voulu par là aller au bout des préconisations de Alloula et d'autres hommes de théâtre, tels Kaki, qui ont voulu «reconnecter» le théâtre algérien aux anciennes formes d'expressions populaires. Dans cette approche, ils ont toujours affirmé leur rejet du face-à-face induit par la scène surélevée et frontale et leur recherche d'une reconstitution de la halqa où le comédien (goual, meddah…), sur les marchés et les places publiques, était entouré de spectateurs. «C'est ce que j'ai voulu mettre en œuvre dans cette pièce, affirme Ziani Chérif Ayad. Retrouver en quelque sorte le geste du conteur et la disposition de la halqa disposée en cercle qui a été le théâtre de notre patrimoine oral. C'est aussi une manière de provoquer la proximité avec les spectateurs et de les amener à s'impliquer dans la pièce.» La pièce El Machina (Le train) est une adaptation de Zenouba troisième tableau de la pièce Lagoual, elle-même inscrite dans la trilogie Les généreux de Alloula. Le metteur en scène a procédé à l'adaptation avec la collaboration d'Areski Mellal et les conseils de Benamar Mediène. Un train emmène Zenouba, petite fille de douze ans atteinte d'une maladie incurable, en vacances chez un oncle. De ce récit en huis clos, alterné par les propos du meddah qui donnent sens à l'histoire et la relient à l'histoire, Alloula avait traité de son univers de prédilection celui dit des «petites gens». Programmées dans le cadre d'«Alger, 2007 capitale de la culture arabe», ces représentations exceptionnelles par leur forme et le retour de Ziani Chérif sur les scènes nationales, confirment sa démarche fondée sur des textes de qualité du répertoire national et arabe et sa volonté de prolonger les recherches entamées par le théâtre algérien moderne. Le travail qu'il a engagé à Marseille et qui a reçu un soutien conséquent de la région PACA a permis, pour la première fois, de programmer dans des salles professionnelles, des pièces en langue arabe. «Nous avons vu venir de vieilles émigrées qui ne savaient même pas ce que c'était qu'un théâtre.» Un symbole pour une jeune compagnie à l'expérience ancienne et sur laquelle nous reviendrons.