Lors de son discours d'investiture prononcé hier au Palais des nations, le président Bouteflika a rappelé les priorités de son troisième quinquennat. Un mandat placé sous le signe de la continuité. Les mêmes engagements sont réitérés pour améliorer les conditions de vie des citoyens, pour plus de justice sociale, réformer l'Etat, approfondir le processus de « réconciliation nationale », lutter contre la corruption, garantir la liberté de la presse, l'indépendance de la justice. Sans faire dans le nihilisme, force est de constater en dix ans de règne que ces chantiers entamés sous le premier mandat présidentiel de Bouteflika, remis au goût du jour durant son second mandat, demeurent pour la plupart à l'état fœtal. Une décennie, c'est pourtant un bail suffisant pour mener à terme une réforme, un projet de quelque nature qu'il soit : politique, économique, social… Qu'est-ce qui a donc fondamentalement changé dans l'Algérie de 2009 ou qui va changer dans le mode de gouvernance pour accorder du crédit aux engagements de Bouteflika ? Lorsque le président de la République prend l'engagement solennel de pacifier ses rapports avec les journalistes, de garantir la liberté de la presse placée sous haute surveillance durant ses deux mandats passés, faudrait-il le croire sur parole ? Idem pour toutes les autres professions de foi contenues dans son discours d'investiture. Le discours est séduisant et porteur d'optimisme ; ce qui n'est pas à dédaigner dans un contexte d'économie mondiale dont l'Algérie fait partie intégrante et où tous les voyants sont au rouge. Mais à l'épreuve du terrain, que va faire Bouteflika, que peut-il faire et qu'il n'a déjà fait au cours de ses deux mandats successifs pour relever le challenge qu'il s'est fixé et dont il n'a réalisé jusqu'ici que peu au regard du bilan mitigé qui a sanctionné son programme d'action ? Si au cours des deux précédents mandats, Bouteflika n'avait pas manqué d'arguments pour justifier le manque d'efficacité dans la réalisation de son programme présidentiel en endossant principalement la responsabilité au gouvernement, il n'a désormais pas droit à l'erreur au regard des récents changements constitutionnels qui font du président de la République le patron incontesté de l'Exécutif et de l'institution présidentielle, le fondement du pouvoir. Le bilan qu'il présentera aux citoyens à l'issue de son nouveau mandat sera le sien et celui de personne d'autre. C'est là l'élément nouveau – la vision et la pratique du pouvoir – de ce nouveau quinquennat. Bouteflika voulait les pleins pouvoirs. Il les a désormais. Et maintenant qu'il est (seul) face à ses responsabilités, il donne l'impression de vouloir inaugurer une nouvelle ère dans l'exercice du pouvoir fondée sur le pragmatisme et la realpolitik. C'est ce qui ressort en tout cas de son discours d'investiture où le chef d'Etat reconnaît dès le préambule les retombées de la crise mondiale sur l'économie algérienne après avoir affirmé triomphalement auparavant que notre pays n'était pas touché. Les prochaines semaines nous diront si Bouteflika de 2009 ne ressemble pas comme une copie conforme à Bouteflika de 1999 et de 2004. Les clins d'œil lancés à la presse et à l'opposition auront à cet égard valeur de test pour jauger les véritables intentions de l'homme qui voudrait mettre à profit ce troisième mandat pour rattraper le temps perdu, pour sauver les meubles de la République ou ce qu'il en reste et effacer l'image détestable de Président qui n'a pas fait avancer la cause démocratique dans le pays sous son règne.