Les enfants de la débrouille sont presque tous scolarisés au collège. Leur âge varie entre 12 et 16 ans. On les appelle les enfants de la débrouille. Ils fréquentent, chaque jour que Dieu fait, ces décharges et dépotoirs qui prolifèrent dans nos cités pour gagner quelques dinars, de quoi procurer à leurs familles un bout de pitance. A la question s'ils sont vraiment dans le besoin, un diplômé en sociologie est catégorique à ce sujet : « Notre société est en pleine phase de mutation. La classe dite moyenne est en train de subir de plein fouet les affres d'un libéralisme sauvage ». Et d'ajouter : « Si un fonctionnaire peine à joindre les deux bouts, alors que dire d'un bénéficiaire du dispositif du filet social ». Fouad et Salim, dont nous avons fait la connaissance dans l'une des décharges les plus polluantes de la région, fréquentent deux collèges différents, lesquels sont pris en sandwich entre trois cités populeuses de Ras El Oued, et à proximité desquelles l'on a improvisé des dépotoirs à ciel ouvert, un décor répugnant avec lequel les riverains ont appris à cohabiter. Ils sont là à fouiner dans les ordures en quête des quignons de pain rassis pour le vendre à des éleveurs, à raison de 100 DA le sac, des résidus d'argent, des ustensiles ferreux et en plastique pour également les écouler, respectivement, à 60, 20 DA le kilo, et entre 10 et 15 DA le kilo de l'emballage en plastique ou en nylon. Fouad avoue que rien ne se perd, tout est récupérable. Il gagne, à chaque sortie, entre 450 et 500 DA, de quoi subvenir aux besoins élémentaires de sa famille. Son père, un ancien retraité de l'éducation, ne perçoit que 10 000 DA par mois. Il nous a été donné également de constater que même les enfants, dont les parents travaillent, gagnent leur argent de poche de la sorte. En effet, les déchets récupérés sont vendus à des commerçants qui viennent des wilayas limitrophes. Cela étant, les enfants qui fréquentent ces endroits sont exposés à de nombreux risques, y compris de santé. Récemment, deux lycéens de la localité de Bir Kasd Ali avaient péri dans une décharge, pourtant censée être contrôlée. Le phénomène prend de l'ampleur et pour l'éradiquer, l'Etat devrait mobiliser les moyens colossaux dont il dispose, sinon à quoi servirait l'embellie financière ?