Lecture croisée et destin commun de deux écrivains venus, l'un du Nord et l'autre du Sud. Chacun appartient à des aires culturelles différentes, mais sont tous les deux installés en France depuis longtemps. La Canadienne Nancy Huston et l'Algérien Mohamed Kacimi ont fait lecture de plusieurs extraits tirés de leurs ouvrages, au CCF d'Alger, dimanche dernier. Une complicité existe entre les deux écrivains qui ont pris l'habitude de « se lire » en public depuis leur rencontre au début des années 1990 autour d'un projet d'écriture commun. La situation des deux écrivains se trouve transcrite dans leurs témoignages. Leur vie dans cette terre d'accueil qu'est la France leur a valu des succès, mais aussi des déceptions. L'intégration ne se passe pas, à les entendre, sans heurts dans une société qui n'accepte l'« étranger » que soumis. La soirée a commencé par la lecture de poèmes « illustrés » de dessins de Rachid Koreïchi, autre créateur algérien que lie une amitié avec Huston, venue en Algérie pour la première fois. S'ensuivront des extraits où transparaît une écriture enlevée et attachante qui rend visible une réalité difficile et crue, celle de l'étranger, partout dénoncé pour son accent. Le bilinguisme, partout décrié, inspire le respect de la romancière qui apprécie, assure-t-elle, ces personnes « cassées » qui sont porteuses d'une histoire, d'un vécu autre. Mohamed Kacimi, originaire d'El Hamel à M'Sila, a tôt apprécié Rimbaud et des écrivains tout aussi représentatifs d'une certaine littérature française que les pays lointains accrochent. Il s'intéressera dans ses écrits aux rapports qu'entretient l'Occident, ou du moins les Français, à l'Orient, magnifié des fois, mais toujours dénigré. Arabe, vous avez dit Arabe ? (Balland, 1990) et Naissance du désert (Balland, 1992) retracent ce cheminement vers les terres perdues des ancêtres. Huston, la Canadienne de Calgary qui a vécu un temps aux Etats-Unis avant de s'installer en France, s'est intéressée à l'Algérie, présente dans le livre Une adoration (2003). Amie de Leïla Sebbar, Huston parle d'un personnage dont le nom ressemble à s'y méprendre à celui de Kacimi. Le protagoniste trouve souche à Bou Sâada, ville où est née l'auteur de L'Orient, après l'amour, roman paru récemment chez Actes Sud et qui parle des pérégrinations de l'auteur dans l'Orient menacé par la montée du wahhabisme.