Un homme nous renseigne : «Les bus d'Etat ne passent pas ici le soir. Quelques-uns font la navette tôt le matin, mais, après 18 heures, ils disparaissent ! » L'irrégularité, voire l'absence de transport public dans une capitale, ne peut que s'en ressentir sur son activité nocturne. A vrai dire, toutes les conditions semblent réunies pour accentuer la léthargie des rues d'Alger. A travers les rues d'El Biar, seuls quelques magasins d'alimentation générale et des petits restaurants sont éclairés mais peu fréquentés. Un commerçant témoigne : « Je reste ouvert le plus tard possible, mais la clientèle manque ! Surtout les femmes qui ne sortent plus, sinon accompagnées.». Le directeur d'un fast-food établit le même constat : «Les autorités publiques nous incitent à rester ouverts le plus tard possible, mais à quoi bon garantir le service si personne ne consomme ?» Il semblerait qu'une fois le soleil couché, l'offre et la demande ne se rencontrent plus. Situation similaire au centre de la capitale : un calme plat dans les allées, à des heures pourtant raisonnables. Didouche Mourad n'est occupée que par des groupes de jeunes hommes qui battent le pavé et usent des marches d'escaliers sans qu'aucun évènement ou lieu de rencontre ne soient susceptibles de les réunir. Il nous faut pénétrer Bab El Oued pour enfin croiser un semblant de rassemblement populaire. Sur El Kettani, des parents viennent se détendre pendant que les enfants font du manège. Mais tous sont des résidents du quartier, profitant de la proximité pour se divertir sans emprunter un quelconque moyen de locomotion. Une mère nous explique : «Nous vivons tous à Bab El Oued, pourquoi aller plus loin ? On prend l'air, on en profite en famille.» Il ne s'agit donc pas d'une animation en tant qu'organisation publique, mais seulement d'une placette aménagée où chacun vaque de manière individuelle à ses occupations. Pourtant, les quelques places publiques de la capitale, à condition d'aménagement et d'entretien, pourraient devenir le support de rencontres culturelles de toute sorte. Mme Sator, directrice culturelle à la wilaya d'Alger, affirme de son côté que des évènements en plein air sont bel et bien organisés et rencontrent du succès, comme le ciné-bus actuellement installé près de la Grande Poste. Mais il suffit de s'y rendre pour constater la maigre présence d'une poignée d'hommes qui cherchent visiblement à tromper l'ennui. Mais Mme Sator poursuit : «Dans le cadre de la manifestation “Alger, capitale de la culture arabe”, le festival gnawi est organisé en plein air [esplanade de Riadh El-Feth, et accessible à tous !» Il apparaît utile de lui rappeler que l'OREF est mal desservi par les transports en soirée. Ce que reconnaît Mme Sator en disant : «Nous n'y pouvons rien, il faut s'adresser au ministère concerné». De son côté, le chef de service de l'animation pour la capitale a mal convaincu avec son programme. Enfin, il est évident que l'offre et la demande d'animations nocturnes ne se stimulent pas. Reste que les autorités publiques manquent véritablement de dynamisme et d'implication. A en croire Mme Sator, toutes les énergies sont mobilisées pour que la ville s'anime en soirée. Si c'était le cas, les rues de la capitale ne frapperaient pas l'œil du visiteur non averti par leur étonnante inertie.