Quant à la Banque mondiale, elle ne dispose même pas du centième des ressources qui seraient nécessaires pour affronter les défis dont elle a la charge même si elle estime que la pauvreté est passée de 40 à 21 % de la population mondiale, ces 20 dernières années. Il reste qu'il est pratiquement impossible de déterminer la part revenant à la Banque mondiale dans ces résultats. Son action est d'ailleurs régulièrement mise en cause par des analystes et des politiques. L'agitation savamment organisée à la suite du départ précipité presque au même moment mais pour des motifs différents des responsables de ces deux principales institutions économiques et financières internationales renseigne assez mal sur la nature de la crise qui les secoue. Le FMI et la Banque mondiale ont toujours eu bon dos et ce ne sont pas les critiques qu'ils essuient depuis longtemps sur leurs méthodes et programmes qui vont modifier quoi que ce soit. Les tractations sur la révision des quotas ne sont pas près d'aboutir et la Belgique continuera à avoir plus de droits de vote que la Chine ou le Brésil. Alors que les regards étaient braqués sur le scandale qui a secoué la Banque mondiale, personne ne s'attendait à un autre coup de théâtre à la tête du FMI qui se trouve maintenant au cœur de la tourmente après l'annonce du départ de son patron, l'Espagnol Rodrigo de Rato en octobre prochain, peu après les assemblées générales du fonds. Entre une Banque mondiale qui se remet difficilement du népotisme qui a entraîné la chute de son ex-président et des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce qui sont bloquées depuis un an sur le dossier agricole, ce départ surprise est un nouveau coup dur pour les institutions internationales qui traversent une période de turbulences depuis le début de l'année 2007. Le départ du patron du FMI avec deux ans d'avance sur son mandat qui expire en 2009 suscite l'incompréhension et n'est pas sans soulever quelques interrogations. Un précédent a déjà eu lieu en 2004 mais dans un tout autre contexte, lorsque l'Allemand Horst Köhler avait annoncé son intention de briguer le poste de président de la République. L'argument avancé par Rodrigo de Rato selon lequel il souhaiterait se consacrer à sa vie familiale n'a pas convaincu tous les observateurs parce que le FMI est en ce moment impliqué dans une réflexion sur ses missions et structures. Du point de vue de ses missions, l'objectif pour le FMI est de se réapproprier un rôle de régulateur, c'est-à-dire de gendarme des taux de change (auteur de cette demande, les Etats-Unis sont décontenancés par la sous-évaluation du yuan qui favorise les exportations chinoises et creuse leur déficit commercial), nouveau rôle qui aurait pu être le point focal de la mandature Rato. Au plan de sa structure, l'objectif est d'améliorer la représentativité des pays émergents, une réforme nécessaire suite au départ de plusieurs pays d'Amérique latine, lassés de la tutelle encombrante du fonds, le remboursement anticipé de leur dette ayant impliqué un gros manque à gagner en termes d'intérêts et, par conséquent, l'épuisement des réserves financières de l'institution de Bretton Woods. C'est ainsi que plusieurs pays latino-américains (Argentine, Bolivie, Brésil, Equateur, Paraguay, Venezuela) sont en train de jeter les bases de deux institutions fondamentalement nouvelles : un fonds monétaire du Sud et une banque du Sud. Le Venezuela a annoncé le 30 avril dernier qu'il allait quitter le FMI et la Banque mondiale. Quelques jours plus tôt, l'Equateur avait décidé l'expulsion du représentant permanent de la Banque mondiale. A travers ce geste, le président Correa a marqué sa volonté de réaffirmer la dignité et la souveraineté de l'Equateur malmenées par cette institution. En juillet 2005, alors qu'il était ministre de l'Economie, le président équatorien, Rafael Correa, avait voulu réformer l'utilisation des ressources pétrolières dont une partie, au lieu de servir au remboursement de la dette, devait servir aux dépenses sociales, notamment pour les populations indiennes. En représailles, la Banque mondiale avait bloqué un prêt de 100 millions de dollars et les pressions de Washington avaient contraint Correa à démissionner. Mauvais gendarme, mauvais pompier, mauvais médecin : voilà les critiques dirigées aussi bien de l'intérieur (Joseph Stiglitz entre autres) que de l'extérieur contre le Fonds monétaire international (FMI), après la crise financière qui venait de balayer l'Asie, l'Amérique latine et la Russie, en 1997 et 1998. A l'époque, le fonds était l'architecte de plans de sauvetage des pays en difficulté. Dix ans plus tard, le gendarme n'a plus guère de coupables à surveiller, le pompier, plus d'incendies à éteindre et le médecin, plus de patients à soigner. Et comme toute entreprise en manque de clientèle, le fonds voit fondre ses rentrées financières et va devoir serrer la ceinture, avec suppression de postes et gel de crédits à la clef. La plupart des économistes affirment que la planète n'a jamais connu une telle embellie depuis que le premier choc pétrolier a sonné le glas des trente glorieuses, au milieu des années 70. Ce miracle économique s'est accompagné d'une flambée des prix des matières premières dont les niveaux ont triplé depuis quatre ans. Les caisses des pays producteurs, dont beaucoup étaient endettés auprès du FMI, sont maintenant remplies, ce qui met à plat sa fonction de prêteur puisqu'il a dû faire face, ces derniers mois, à une cascade de remboursements anticipés. La Turquie reste son seul gros client. En décembre dernier, le Brésil et l'Argentine ont annoncé qu'ils régleraient plus tôt que prévu leurs ardoises, d'un montant respectif de 12,2 et 7,6 milliards d'euros. L'Indonésie a fait de même en juin, à hauteur de 2,9 milliards d'euros. Manque à gagner, pour une institution qui vit des intérêts versés par les débiteurs : 472 millions d'euros sur trois ans ! L'institution a un temps envisagé de se délester d'une partie de ses 3200 tonnes d'or, avant de choisir de placer ses réserves sur un compte d'investissement.