La décision du Venezuela de se retirer de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international suite aux accusations de népotisme visant Paul Wolfowitz érode plus que jamais la crédibilité de ces deux institutions internationales. "Il vaut mieux que nous sortions avant qu'on nous ait pillés", avait annoncé le président du Venezuela, Hugo Chavez, qui ne portait pas dans son cœur ces deux institutions de Brettons Woods. Accusées d'être à la solde des Etats-Unies, les relations d'Hugo Chavez avec le Fonds sont particulièrement détériorées depuis le coup d'Etat avorté en avril 2002 contre le chef de l'Etat vénézuélien. Si pour Hugo Chavez, la BM et le FMI sont des " mécanismes de l'impérialisme ", plusieurs autres dirigeants de pays sud-américains, comme l'Equatorien Rafael Correa et l'Argentin Nestor Kirchner, ne cachent pas non plus leur hostilité envers les deux institutions multilatérales. Le représentant de la Banque mondiale en Equateur vient ainsi d'être prié de faire ses valises. Pour le FMI, ce coup de froid a de lourdes conséquences financières. Il vient d'annoncer qu'il aurait un trou de 165 millions de dollars dans ses comptes pour l'exercice 2007, clos au 30 avril. La situation ne va pas s'améliorer car ce manque à gagner devrait atteindre 400 millions de dollars sur l'exercice 2010. Mais il semblerait que le Fonds est loin d'être en faillite, comme l'a affirmé Hugo Chavez, puisqu'il dispose de réserves de 9 milliards de dollars. Mais s'il dépense aujourd'hui plus d'argent qu'il n'en gagne, c'est que plusieurs pays, notamment latino-américains, ont remboursé par anticipation leurs prêts. Or le FMI se finance essentiellement sur les intérêts des prêts qu'il consent. "Le portefeuille de prêts du FMI a chuté de 96 millions de dollars en 2004 à 20 milliards aujourd'hui, dont la moitié est représenté par la Turquie. Ce n'est qu'une question de temps avant que le reste ne disparaisse", indiquent des analystes. A la Banque mondiale, Paul Wolfowitz a porté un coup de grâce à l'institution qu'il préside et pourrait même devoir démissionner, car il a accordé des augmentations conséquentes à sa compagne, également salariée de l'institution. La campagne de lutte contre la corruption dans les pays en développement qu'il a lancé depuis son arrivée à la présidence en juin 2005 s'attire du coup aujourd'hui des commentaires acerbes. Pour les deux institutions, le résultat est une perte d'autorité, comme le fait observer Devesh Kapur, professeur à l'Université de Pennsylvanie (nord-est) et auteur d'une histoire du FMI. Créés au lendemain de la Seconde guerre mondiale pour assurer la stabilité financière internationale et lutter contre la pauvreté, le FMI et la BM sont aujourd'hui avant tout perçus par leurs détracteurs comme les outils des Etats-Unis pour généraliser les préceptes de l'économie de marché. Le prix élevé du baril de pétrole a largement favorisé ce rachat de dettes, des pays sud-américains, où la BM et le FMI n'ont pas bonne presse. Leur gestion de la crise de la dette de ces pays dans les années 1990 a été très contestée. Alors que les experts du FMI et de la BM célébraient la qualité de la gestion financière du gouvernement argentin de Carlos Menem, le pays a sombré dans le chaos financier en décembre 1998. Les politiques prônées par le FMI et la BM, exigeant un désengagement de l'Etat au prix d'une réduction drastique des programmes sociaux, ont contribué au succès de la gauche antilibérale dans de nombreux pays d'Amérique du Sud ces dernières années. Les pays latino-américains demandent à présent des comptes tant au FMI qu'à la Banque mondiale, dominés depuis toujours par les Etats-Unis et l'Europe, et le projet de " Banque du Sud ", lancé par le président vénézuélien pour donner plus d'autonomie aux pays d'Amérique latine à l'égard des institutions internationales, a reçu le soutien de l'Argentine, de la Bolivie, de l'Equateur et, depuis peu, du Brésil.