Locarno (Suisse) : De notre envoyé spécial Le film algérien de Amor Hakkar La Maison jaune a reçu trois prix : le prix de la jeunesse, le prix œcuménique (des églises évangélistes et catholiques) doté de 20 000 francs suisses et le prestigieux prix de la fédération des ciné-clubs. Impossible de dire pourquoi le jury officiel a oublié Amor Hakkar, alors que son film témoigne d'un indiscutable talent. Sans doute s'agissant d'une histoire algérienne, le jury n'avait pas la capacité ni l'intelligence de comprendre le propos très digne du réalisateur. Les œuvres primées par le même jury n'avaient en réalité ni grâce ni beauté. Elles n'avaient pas la qualité aboutie de La maison jaune. Pour fêter son 60e anniversaire, le festival de Locarno s'est auto-célébré. Des films marquants de son histoire ont été montrés en présence de leurs réalisateurs comme Marco Bellochio (Italie), Adoor Gopalakrishran et Shaji Karun (Inde), Gaston Kaboré (Burkina). Les stars italiennes (Loren, Lolobrigida, Sandrelli) avaient leur section aussi. Open Doors, sur les films du Proche et Moyen-Orient, a été totalement boycotté par la presse suisse. Dès que les films viennent du monde arabe, les journalistes suisses zappent sur autre chose. Scandaleux ce type de réaction xénophobe ! Ce qui intéresse la presse helvétique en priorité ce sont les faits divers affligeants. Du coup, aucun article original et intelligent sur ce qui se passait à Locarno. Le festival a réussi à doubler ou tripler son budget ces deux dernières années. Des sponsors privés investissent dans le festival qui le leur rend bien. Locarno s'est taillé une bonne réputation. C'est une villégiature de luxe, avec la voisine Ascona. Aucun cinéaste ou journaliste dans le monde n'hésitent à débarquer sur les rives du Lac majeur quand ils sont invités. Chaque année, avec les changements des directeurs, il y a du nouveau, des sections originales comme cette année. Ici et ailleurs avec les films de Godard. Au festival de Locarno cette année, la bonne surprise c'est de retrouver des films sur les mouvements contestataires (Chicago 10) et d'autres avec des points de vue forts sur la politique actuelle des Etats-Unis (Extraordinary Rendition). Locarno fait aussi la promotion du cinéma suisse. C'est logique. Les Suisses produisent mais le marché national reste très limité. On est loin cependant du cinéma peu orthodoxe de Alain Tanner et Daniel Smidt. Cette année, un signe de panique a marqué la séance de presse quand on a visionné un film du Genevois Jacob Berger. Une calamité.