La constitution du gouvernement a toujours été dans notre pays un exercice difficile qui fait que les délais pour la mise en place de l'équipe gouvernementale traînent toujours en longueur. Et pourtant, lorsque la liste de l'Exécutif est rendue publique, on constate souvent, que rien dans le choix des hommes retenus ne pouvait justifier tout ce faux suspense entretenu pour on ne sait quel objectif. Il semblerait que cette manière de faire fait partie du style de Bouteflika qui aime faire durer le suspense pour faire croire en la matière qu'il ne sacrifie pas à une simple formalité mais qu'il met tout son poids et ses prérogatives constitutionnelles pour trouver et placer les hommes qu'il faut aux postes ministériels qu'il faut. En vérité, il n' y a rien de nouveau dans la démarche du président Bouteflika concernant les nominations aux hautes fonctions dans les institutions de l'Etat. Il a toujours pris tout son temps pour pourvoir les postes relevant de son domaine de compétence. En 1999, il avait mis plusieurs semaines pour nommer l'ancien Premier ministre Benbitour, plongeant ainsi le pays et ses institutions dans un état de vacance prolongé. Les nominations d'ambassadeurs, de consuls, de walis, de chefs de daïra obéissent à la même logique. Dans les pays démocratiques où la règle de la majorité politique et électorale a un sens, lorsqu'un président est élu son équipe gouvernementale est déjà constituée et prête à l'emploi. Les candidats en lice à la présidentielle qui sont des candidats partisans assumant leur appartenance partisane ont en vue, dès leur engagement dans la course électorale, cette perspective de constituer un gouvernement s'ils sont élus. Ils y travaillent avant l'élection pour dénicher les futurs ministres susceptibles d'entrer au gouvernement parmi les cadres de leur propre formation politique et éventuellement au sein des autres partis avec lesquels ils pourraient gouverner. On ne se réveille pas au lendemain de l'élection pour entamer les tractations et le travail de prospection des ministres. Une autre spécificité bien algérienne. On a du mal à croire que Bouteflika qui ne se faisait aucun doute sur sa réélection pour un troisième mandat n'avait pas, bien avant le scrutin, un nom en tête pour lui confier le poste de Premier ministre et, au-delà du Premier ministre, une ébauche générale du gouvernement, à tous le moins pour les postes clés de souveraineté. Que se passe-t-il alors pour que l'on en arrive là, deux semaines après l'élection à spéculer sur les noms qui figureront dans la future équipe gouvernementale et sur les motivations profondes qui font que Bouteflika tarde à percer le mystère qui entoure la constitution de l'Exécutif ? Le fait de ne manifester aucun empressement pour nommer le gouvernement peut-il être interprété comme un gage de sérieux et de rigueur que Bouteflika voudrait donner quant au choix des hommes qui formeront le gouvernement ? Il ne voudrait pas donner l'impression de faire dans la précipitation et le bricolage en expédiant la formation du gouvernement en deux temps trois mouvements. Plus il fait traîner en longueur les choses, plus il entretient l'illusion au sein de l'opinion que les tractations sont serrées et que les futurs membres du gouvernement, et à leur tête le Premier ministre, seront du meilleur cru, d'un millésime de référence comme l'Algérie n'a jamais pu produire jusqu'ici car le challenge qu'il s'est fixé et qu'il a promis de réaliser est grand. L'intention est peut-être sincère. Si c'est le cas et si la démarche de Bouteflika est guidée par le seul souci de l'efficacité, on le saura lorsque la liste du gouvernement sera rendue publique. Reste la troisième hypothèse, celle qui consiste à voir dans ces tergiversations la marque de rudes tractations au sommet entre les sphères du pouvoir et à l'intérieur des partis de la majorité présidentielle et de la clientèle du pouvoir qui ont apporté leur soutien à l'élection de Bouteflika.