Bordj El Kiffan a bien changé avec ses routes éventrées, ses trottoirs élargis, la poussière dans l'air, même les boutiques « paraissent fatiguées ». Quadrillée dans un souci cohérent d'aménagement du territoire, la petite ville portuaire, qui avait des airs de vacances, a bien changé. Dans certaines artères, on pourrait même se croire dans la commune d'El Hamiz qui se distingue par l'absence de végétation. L'ex-Fort-de-L'eau a perdu ses ficus majestueux qui ornaient les trottoirs et offraient de l'ombrage aux bandeaux. Le tramway qui sillonne la ville s'est imposé contre les arbres centenaires qui n'ont pas trouvé plaideur à leur cause. La daïra d'Hussein Dey vit au même rythme que les travaux du tram, elle est aussi sur la liste des villes devant bénéficier d'un moyen de locomotion, il faut le dire, des moins polluants et a dû faire le sacrifice des ses ficus centenaires. Cinq cents en tout et pour tout. Mais ceux-là ont trouvé une force qui s'est opposée à leur abattage : la Direction générale des forêts (DGF). Le Métro d'Alger, maître d'ouvrage délégué du tramway, en avait fait la demande, mais s'est vu opposer un niet. On peut s'en étonner quand on sait que le même métro qui inaugure le téléphérique de Skikda a préféré transplanter des palmiers california (plus de 18 m de haut) qui gênaient les travaux, plutôt que d'avoir à les abattre. Quoi qu'il en soit, les ficus d'Hussein Dey ont été épargnés sur instruction vigilante de la DGF. Leur transplantation a eu lieu pour la totalité des arbres, le mois dernier, sur des sites, comme le boulevard Bougara ou sur des aires d'autoroutes dans la commune de Kouba. Le choix de ces sites n'appartenait pas à la DGF, selon M. Titah, directeur général. Content d'avoir pu épargner des arbres qui étaient les témoins passifs des événements algérois, il semble comme regretter de ne pas les avoir disposés dans ses forêts, en lieu sûr. Les ficus d'Hussein Dey devront se contenter d'observer le tumulte des automobilistes renfrognés et d'en humer toutes les humeurs… Disposés les uns à côté des autres, les branches élaguées, la motte de terre fraîchement retournée, le spectacle est quelque peu désolant. Cela devrait-il changer dès l'apparition des feuilles ? Mais au fait, vont-elles apparaître ? Le pari est difficile à tenir dans la mesure où l'Algérie a très peu d'expérience en matière de transplantation d'arbres. L'on peut même affirmer qu'il s'agit-là d'une première. La technique La transplantation d'arbres demande une technique rigoureuse et une procédure spatio-temporelle à ne pas négliger. En l'occurrence, tous les arbres peuvent être transplantés et l'intérêt économique est grand. En effet, un arbre de 20 cm de diamètre coûte entre 20 000 et 30 000 DA. L'aménagement d'un site avec des arbres transplantés et adultes fait percevoir un travail achevé et assure tous les avantages qu'offre l'arbre, tels que l'ombre et la fraîcheur. Les arbres feuillus caducs sont transplantés de novembre à mars et les conifères de septembre à mars, mais les palmiers préfèrent, eux, le début de l'été. Dans tous les cas de figure, il faut une préparation racinaire au moins deux années avant la transplantation. Il convient de conserver un diamètre de motte supérieur ou égal à 10 fois le diamètre de l'arbre mesuré à un mètre du sol. Enfin, lorsque la transplantation est assurée, l'arbre doit être suivi et arrosé abondamment. Si la terre est suffisamment chaude, les racines peuvent se développer plus facilement. Lorsque toutes ces conditions sont réunies, on peut dire que le taux de reprise avoisine les 85%. Les ficus d'Hussein Dey n'ont pas eu la chance d'avoir les racines émondées une année ou deux avant, ils ont été sortis de terre de nuit avec un système racinaire des plus réduits. La motte dans laquelle ils ont été conduits dans leur future résidence était laminaire et le trou dans lequel ils ont été plantés au boulevard Bougara était très petit. Peut-être ont-ils eu plus de place dans les aires d'autoroutes de Kouba. Les années à venir nous renseigneront sur la réussite ou l'échec de la transplantation. N'en demeure que l'action est bénéfique et pourrait, si elle est maîtrisée, permettre de sauvegarder bon nombre d'arbres des grandes villes qui cherchent à s'étendre ou à s'urbaniser.