Contre toute attente, le tribunal militaire de Blida a décidé hier de juger à huis clos l'affaire de l'ex-PDG de BRC, Moumen Ould Kaddour. Les journalistes ont été interdits d'accès à la salle d'audience ouverte uniquement aux avocats. La demande de ces derniers pour un procès public a été finalement rejetée et l'audience a commencé vers 14h pour se terminer vers 16h30. Les trois accusés, l'ex-président directeur général de BRC, Moumen Ould Kaddour, un lieutenant du service d'écoute, Chettouh Mahdi, et un civil, Adel Miloud, ami commun aux deux premiers, ont plaidé, selon leur défense, non coupables du chef d'accusation retenu contre eux, à savoir «divulgation d'informations classées secret de défense». Il s'agit, en fait, d'un enregistrement d'une conversation téléphonique que le lieutenant aurait téléchargé sur un flash disque. Celui-ci aurait été remis au nommé Adel Miloud, lequel, à son tour, l'a donné à Ould Kaddour. Pour les avocats, «cette affaire est vraiment banale et ne mérite même pas qu'elle soit jugée par un tribunal militaire, dans la mesure où les informations contenues dans l'enregistrement n'ont aucune importance». Une version qui ne semble pas de l'avis du ministère public, lequel a requis 7 ans de réclusion criminelle contre le militaire, 6 ans contre Adel Miloud et 5 ans contre Moumen Ould Kaddour. Les délibérés ont duré près de trois heures à l'issue desquels le tribunal militaire a prononcé 30 mois de réclusion à l'encontre de Moumen Ould Kaddour. Par contre, un officier de l'ANP et un civil ont écopé de 5 et 3 ans de réclusion chacun. Il est important de rappeler que cette affaire a été traitée dans la discrétion la plus totale par les officiers du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). L'arrestation, il y a près de 8 mois, de Ould Kaddour, juste après le scandale qui a éclaboussé la société algéro-américaine BRC, a suscité de nombreuses rumeurs sans que les autorités ne s'expriment sur le sujet. L'énigme est restée entière avec la présentation des trois mis en cause devant le tribunal militaire de Blida qui les a placés sous mandat de dépôt. Certaines sources n'ont pas manqué de faire le lien avec le volumineux dossier «des marchés complaisants de gré à gré» à Brown and Rooth Company (BRC), une jointventure entre Sonatrach (51%) et BRC, une filiale de la compagnie Halliburton, et qui est actuellement en instruction auprès du tribunal de Bir Mourad Raïs, près la cour d'Alger. De nombreux hauts responsables, des cadres de la compagnie et même Moumen Ould Kaddour ont été entendus sur «la surfacturation» de contrats et des marchés de gré à gré passés sans appel d'offres, comme le cas de la réalisation des deux tours abritant aujourd'hui les sièges du ministère de l'Energie et qui auraient coûté la bagatelle de 40 milliards de centimes chacune aux contribuables. C'est à la suite d'une mission d'inspection de l'IGF, dépêchée sur instruction du président de la République, que les enquêteurs ont relevé, en passant au peigne fin les contrats avec BRC, que celle-ci a bénéficié de «privilèges et de complaisance» pour accaparer de nombreux contrats avec Sonatrach, le ministère de l'Energie et des Mines, celui de la Défense nationale et Naftec. Une plainte a été alors déposée vers la fin de l'année 2006, auprès du parquet de Bir Mourad Raïs, lequel a examiné tous les marchés accordés à cette société depuis 2001. La mise en branle de ces deux affaires durant la même période a été interprétée comme étant la conséquence d'une lutte de clans entre Bouteflika et une partie des services de l'armée.