Bouteflika est en passe de devenir presque une égérie pour la presse. Il a suffi d'une déclaration du chef de l'Etat lors de la cérémonie d'investiture proclamant sa volonté de mettre à profit son troisième mandat en vue de libérer le champ médiatique de toutes les entraves qui se dressent sur le chemin de la liberté d'expression, pour susciter des débats passionnés dans les rédactions. Discours de circonstance, avaient commenté certains qui ne croient pas que le système puisse ainsi s'amender alors que rien n'a changé dans l'environnement politique du pays ! Quelques jours plus tard, saisissant l'occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, Bouteflika récidive en dévoilant un peu plus ses intentions dans un message adressé à la corporation. Un message que certains confrères ont qualifié de « révolutionnaire ». Le chef de l'Etat annonce sa décision de réviser la loi sur l'information en consacrant dans les faits par de nouveaux textes législatifs « le droit de savoir et de communiquer ». Et pour boucler la boucle, il rend hommage pour la première fois à la corporation pour sa mobilisation contre la barbarie intégriste. On croit presque rêver ! Pour l'heure, il ne s'agit que de profession de foi. Il faudra attendre les prochains jours pour pouvoir apprécier objectivement la nature des changements que le président Bouteflika entend introduire dans le système de l'information. La dépénalisation des délits réclamée avec force par la corporation et soutenue par la classe politique, y compris par le FLN qui l'a rappelé, hier, devant les journalistes par la voix de son secrétaire général, M.Belkhadem, dans son message adressé aux journalistes à l'occasion de la Journée du 3 mai, peut constituer une piste de travail du chantier que Bouteflika envisage d'ouvrir durant son troisième mandat. La cause semble, selon toute apparence, entendue dans ce domaine. L'Algérie est décriée par les ONG internationales chargées de la défense des droits de l'homme et de la liberté de la presse pour sa facilité à mettre les journalistes en prison pour délits de presse. La démocratisation du champ médiatique que revendique aujourd'hui Bouteflika appelle une refonte en profondeur du secteur. Un arsenal juridique garantissant la liberté de la presse. Un environnement politique et économique assaini et apaisé de sorte que l'accès aux moyens d'impression et à la publicité étatique ne soit plus un moyen de chantage entre les mains du pouvoir pour avantager certains titres qui sont dans ses bonnes grâces et pénaliser les autres titres dont la ligne éditoriale dérange ce même pouvoir. Réformer le secteur de la presse dans le sens d'une plus grande liberté dans l'exercice du métier d'informer suppose aussi, d'abord en amont, des conditions politiques parce que la liberté de la presse ne peut pas se concevoir avec un système politique verrouillé par ailleurs. Pour que l'engagement de Bouteflika en faveur d'une presse libre ait un sens et puisse avoir un prolongement concret dans la réalité, il faudrait que ce geste politique en direction de la presse s'accompagne d'autres changements dans d'autres sphères qui sont à la base de la construction démocratique d'un pays. Il faudrait œuvrer pour promouvoir un pluralisme politique authentique pour une justice indépendante, pour consacrer dans les faits les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs, l'alternance au pouvoir et le respect de la volonté populaire. La démocratie est un tout indissociable. Ce vaste chantier fait-il partie des (nouvelles) préoccupations de Bouteflika ? Le chef de l'Etat entend-il commencer par le secteur de l'information dont il voudrait faire, à l'en croire, le premier amendement de sa feuille de route pour son troisième mandat ? Le reste devant suivre. Ce ne sont là que des hypothèses tout aussi vraisemblables qu'invraisemblables les unes que les autres. Il faudra donc attendre les actes concrets du Président pour savoir se sachant en fin de règne avec ce troisième mandat, Bouteflika ne cherche pas à jeter des passerelles avec des segments de la société avec lesquels le courant n'est jamais passé. Ce que Bouteflika n'a pu concrétiser au cours de ses deux mandats successifs dans la voie de la construction démocratique qui a enregistré une régression notable dont la presse a eu à en pâtir, il veut, selon toute apparence, le réaliser durant ce nouveau et dernier mandat. Du moins jeter les prémices d'un renouveau démocratique qui ne fut pas le moins que l'on puisse dire au centre de ses préoccupations durant ses deux premiers mandats, donner des gages qui le réconcilieront avec les forces démocratiques, du progrès et de la modernité, avec « la société qui avance ». D'aucuns diront trop peu, trop tard. Mais si l'intention est réellement sincère, ne vaut-il pas mieux même tard que jamais ?