Sous mandat de dépôt, le jeune homme de 19 ans est à la barre pour double vol de téléphones portables avec arme blanche. Petit de taille, rachitique, les mains croisées derrière le dos, l'accusé, portant un vieux jean, paraît plus jeune que son âge. Près de lui, une de ses deux victimes, ayant le même âge, est accompagnée de son père. La présidente de l'audience du tribunal d'Hussein Dey, ce 23 janvier 2008, interpelle le jeune délinquant. «Tu as menacé ce jeune homme avec un couteau pour lui soutirer de force son téléphone cellulaire. C'est cela ?», interroge la juge tout en balayant des yeux le rapport d'accusation du juge d'instruction. D'une voix presque inaudible, le mis en cause souligne qu'il n'a pas utilisé de couteau et que le «portable» lui a été remis «sur simple demande». La réponse ne convainc guère la magistrate. La taille de l'accusé trop menue par rapport à celle de la personne agressée, est importante. «Tu penses que la victime aurait cédé aussi facilement si le couteau n'était pas planté quelque part dans le corps ? Tu l'aurais battu à mains nues ?» Après cet interrogatoire, pour le moins embarrassant, la juge s'adresse à l'autre partie. Et celle-ci de confirmer ce qu'elle a déjà déclaré à la police et au magistrat instructeur : «Il m'a contraint de lui remettre le téléphone portable sous la menace d'un couteau.» La deuxième victime, ayant le même âge que le mis en cause, a été agressée dans les mêmes conditions que la première. «Le portable ou le coup (de couteau)», aurait ordonné le jeune délinquant, selon l'acte d'accusation, confirmé à la barre par la victime. Conscient de la gravité du délit, l'avocat de la défense n'avait pas d'autre choix que de plaider la clémence. Le défenseur s'attarde ainsi sur les conditions sociales dans lesquelles évolue son mandant. Le jeune homme vit dans un bidonville à l'est d'Alger. La famille est disloquée. Vivant avec sa mère, ses frères et sœurs, il est «contraint» de ramener quelque chose à la maison, entendre une somme d'argent pour contribuer au budget familial. «J'ose espérer que le tribunal tienne compte de ces paramètres. Ce jeune a commis un acte répréhensible, je le concède. Seulement j'ose espérer du tribunal la clémence dans son verdict», soutient l'avocat. La délibération a lieu le jour même pour cette affaire de flagrant délit et dont le rapport de police stipule que les objets volés ont été rendus à leurs propriétaires. La peine sera prononcée quelques heures plus tard par la magistrate : «Deux ans de prison ferme assortis d'une amende de 20 000 DA.» Le verdict, sans qu'il soit contesté, suscite la réaction d'un père de famille. «Sa place est à l'université», soupire le quinquagénaire, en fixant le mis en cause d'un œil paternel.