C'est la rencontre des adieux qui devait avoir lieu, hier, sur les bords de la mer Noire entre le président russe et son homologue américain. L'un et l'autre quittent les présidences respectives de leur pays, le premier au mois de mai, même s'il va occuper la fonction de premier ministre, et le second au début de l'année prochaine après une élection présidentielle à laquelle il ne peut se porter candidat. C'est donc un dialogue inachevé entre les deux chefs d'Etat, impliquant même les 26 membres de l'Alliance atlantique lors d'un sommet inédit vendredi dans la capitale roumaine. Que vont donc se dire les présidents George W. Bush et son hôte ? Très probablement l'extension de l'Otan que redoute la Russie, même si celle-ci traite cette question non seulement sous l'angle de la menace, mais aussi celui de la dérision, en n'excluant pas par exemple une adhésion à l'Otan. Mais très sérieusement, George W. Bush et Vladimir Poutine ont décidé de se voir afin de donner une nouvelle impulsion aux relations russo-américaines et d'aplanir les divergences sur le bouclier antimissile avant le passage de relais à leurs successeurs. Jeudi à Bucarest, rappelle-t-on, les alliés européens de l'Alliance se sont ralliés au projet de bouclier américain, mais ont ménagé la Russie avec le report de l'intégration de l'Ukraine et de la Géorgie prônée par le président américain. Si la Russie aura désormais plus de mal à s'opposer au déploiement d'éléments du bouclier en Europe, quelles concessions le président Poutine sera-t-il prêt à faire sur ce dossier stratégique un mois avant de quitter ses fonctions, alors qu'un fort désir de revenir sur la scène mondiale a sous-tendu sa politique ces dernières années ? «La question du bouclier a été abordée en passant (lors du sommet de l'Otan). Nous aurons une discussion plus substantielle à Sotchi samedi et dimanche», a souligné vendredi Vladimir Poutine. Des signaux de rapprochement semblent perceptibles. M. Poutine a ainsi estimé que «les inquiétudes russes» avaient été «entendues» par les Américains qui «réfléchissent à des mesures de transparence et de confiance». Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a exprimé mardi son espoir d'une issue positive aux discussions russo-américaines sur le bouclier, auquel Moscou est vivement opposé. Selon des sources russes et américaines, les deux présidents doivent approuver un «document cadre stratégique» destiné à donner une base plus solide aux relations bilatérales avant la transition du pouvoir dans les deux pays, même si ce texte ne sera pas signé et n'aura pas de valeur juridique. «Ce document doit être honnête» et mentionner les sujets qui «inquiètent la Russie» comme le bouclier, le régime de la réduction des armes stratégiques et l'élargissement de l'Otan, a déclaré le conseiller diplomatique du Kremlin Sergueï Prikhodko. «Si la question du bouclier figure dans ce texte, cela signifiera que la Russie reconnaît les menaces balistiques. Cela pourrait être considéré comme une victoire de Bush qui a besoin d'afficher un succès de sa politique extérieure», estime le politologue russe Fedor Loukianov, rédacteur en chef de la revue La Russie. Dans une moindre mesure, Poutine «souhaite aussi clore ses relations avec les Etats-Unis sur une note positive avant de partir. Il est possible que dans quelques années, les mauvaises relations avec un pays ne seront plus considérées comme un succès par l'opinion», ajoute M. Loukianov. Le sommet a lieu à la résidence d'été de Vladimir Poutine, surnommée «Ruisseau Botcharov», une réponse du président russe à l'invitation dans la résidence familiale des Bush à Kennebunkport dans le Maine (nord-est) en juillet 2007. Le rendez-vous de Sotchi «sera notre dernier face-à-face» en tant que présidents et «je le remercierai d'être franc avec moi», a dit M. Bush ajoutant qu'il n'avait pas «d'animosité» envers le président russe. Le président américain aura aussi l'occasion de rencontrer à Sotchi pour la première fois le président élu, Dmitri Medvedev, en attendant que ce dernier connaisse lui aussi le prochain président américain. De nouveaux rapports semblent au moins esquissés. Qu'en sera-t-il effectivement ?