À quelques semaines de la prochaine élection présidentielle, une question essentielle taraude tous les citoyens : ces élections seront-elles enfin démocratiques ? En fonction de la réponse à cette question, certains iront voter, d'autres boycotteront le scrutin. Certains partis et hommes politiques essaient, bien entendu, d'orienter la réponse dans un sens ou dans l'autre. Avec des arguments plus ou moins rigoureux, plus ou moins légaux, plus ou moins convaincants. Hors de toute démarche politicienne ou partisane, une étude intéressante de la revue internationale The Economist, établie en septembre 2008 et portant sur l'«Indice de démocratie 2008» concernant 167 pays dont l'Algérie, peut contribuer à éclairer le débat et les enjeux. L'indice global construit par l'équipe de The Economist est noté de 0 (pas de démocratie) à 10 (démocratie complète). Il est la synthèse de cinq critères, eux-mêmes notés chacun de 0 à 10 : le processus électoral et le pluralisme ; les libertés individuelles et collectives ; le fonctionnement de l'Exécutif ; la participation politique ; la culture politique. Ces critères s'inspirent directement de la Charte des Nations unies et des accords internationaux (notamment l'Acte final d'Helsinki) qui accordent une place particulière au respect des droits humains essentiels comme la liberté de parole, d'expression et d'information, la liberté de religion, la liberté d'association et de réunion, le droit à un juste processus judiciaire… Dans ces conditions, quatre catégories de régimes politiques sont établies : – Indice de 7,96 à 10 : pays à régimes démocratiques complets – Indice de 6 à 7,95 : pays à régimes démocratiques incomplets – Indice de 4 à 6 : pays à régimes hybrides (partiellement démocratiques et partiellement autoritaires) – Indice de 0 à 4 : pays à régimes autoritaires Voyons, de manière succincte, les principaux résultats de cette étude. En 2008, dans la catégorie des pays à démocratie complète, on trouve une trentaine de pays. La Suède (9,88) et la Norvège (9,68) sont en première et en seconde position. L'Allemagne (8,82), l'Espagne (8,45), le Japon (8,25), les Etats-Unis (8,22) et la France (8,07) sont respectivement 13e, 15e, 17e, 18e et 24e. La Corée du Sud (8,01) se positionne en 28e position. Dans la catégorie des pays à démocratie incomplète, on trouve, en tête de liste, l'Afrique du Sud (7,91) soit à la 31e place. L'Inde (7,80), le Brésil (7,38), la Pologne (7,30), le Mexique (6,78), l'Indonésie (6,34) et le Bénin (6,06) sont respectivement 35e, 41e, 45e, 55e, 69e et 80e. Dans la catégorie des pays à régimes hybrides, l'Albanie (5,91) est en tête de liste, à la 81e place. Le Mali (5,87), les Territoires palestiniens (5,83), la Turquie (5,69), le Liban (5,62), le Sénégal (5,37) et la Russie (4,48) sont respectivement 83e, 85e, 87e, 89e, 93e et 107e. Dans la catégorie des pays à régime autoritaire, la Jordanie (3,93) occupe la tête de liste et la 117e place. La Mauritanie (3,91), l'Egypte (3,89), le Maroc (3,88), Cuba (3,52), le Cameroun (3,46), l'Algérie (3,32), la Chine (3,04), la Tunisie (2,96), l'Iran (2,83) et l'Arabie Saoudite (1,90) occupent respectivement les 118e, 119e, 120e, 125e, 126e, 133e, 136e, 141e, 145e et 161e place. La 167e et dernière place est occupée par la Corée du Nord (0,86). Même si une telle étude n'a pas un caractère totalement scientifique et n'est pas dénuée d'une certaine idéologie, il n'en demeure pas moins qu'elle révèle des tendances significatives. Dans la première catégorie, les pays du nord de l'Europe ont des régimes démocratiques plus évolués que les Etats-Unis ou la France. Dans la seconde catégorie, les positions de pays émergents comme l'Afrique du Sud ou l'Inde sont remarquables. La situation est moins flatteuse pour le Mexique ou l'Indonésie. Dans la troisième catégorie, le Mali, les Territoires palestiniens, la Turquie et le Liban se rapprochent des régimes à démocratie incomplète. Enfin, dans les pays à régimes autoritaires, on retrouve notamment les pays du Maghreb et l'Egypte, ainsi que Cuba et la Chine. Pour ce qui concerne l'Algérie, son indice global de 3,32 est très faible, mais lorsqu'on examine ce résultat dans le détail, les insuffisances les plus fortes se situent au niveau du critère de la participation politique (1,67), celui du fonctionnement de l'Exécutif (2,21) et celui du processus électoral et du pluralisme. Par contre, l'étude montre un résultat plus flatteur pour ce qui est de la culture politique (5,63) de la population, ce qui a permis de rehausser l'indice synthétique. Aussi, bien qu'en moins mauvaise posture que la Chine, la Tunisie et l'Arabie Saoudite, il apparaît évident que l'Algérie ne peut se satisfaire de cette situation. Celle-ci montre, au contraire, le chemin semé d'embûches qu'il reste à parcourir pour atteindre le stade de pays à régime démocratique, même incomplet. Particulièrement en ces temps de crise à l'échelle planétaire. C'est là un sacré challenge qui s'offre à la fois au pouvoir en place, à ses oppositions démocratiques et à la société civile tout entière. Fait en Février 2009