Presque tous les partis politiques algériens ont souffert de frondes au sein de leurs structures. Les partis algériens couvent-ils, d'après vous, une crise chronique ? Les partis politiques algériens traversent une crise profonde qui a un lien direct avec le régime politique qui les a enfantés. La naissance de ces partis politiques dans un cadre politique et socioéconomique bien défini ne pouvait conduire qu'à une crise structurelle en leur sein. Il est à signaler, par ailleurs, que le pouvoir a tout fait pour créer la zizanie dans ces partis. Ils ont tous subi un mouvement de fronde et de contestation. Et je pense qu'il y a une main invisible qui a favorisé la crise. A cela s'ajoute le problème de leadership. Tous les partis politiques, sans exception aucune, ont la maladie du « zaâma ». Ils sont généralement basés sur un groupe qui provient d'une région ou d'un douar particulier. Une fois que le groupe prend la tête du parti, il refusera de céder sa part et de passer le flambeau aux autres générations. C'est ainsi que certains leaders sont en poste depuis la création de leur parti et que pas un seul d'entre eux n'a entre 35 et 40 ans. Les leaders politiques ont un pied dans le régime d'une façon ou d'une autre. Les partis politiques souffrent également de problèmes liés à l'opportunisme et à l'affairisme. Cela a-t-il des conséquences négatives sur leur fonctionnement et leur équilibre ? Les partis politiques traversent une crise de maturité politique. Il y a un business dans les partis. Le népotisme, le clientélisme, le zaâmisme, le tribalisme ont miné les formations politiques. Il y a évidemment les problèmes d'ordre structurel. Le système politique n'a pas intérêt à ce qu'il y ait des partis politiques forts, car cela remettrait en cause sa légitimité historique. Mais si le régime a réussi à semer la zizanie, c'est qu'il y avait des prédispositions au sein de ces mêmes partis politiques. La situation pourrait bien remettre en difficulté la crédibilité des partis politiques ? Ils participé à agrandir le fossé entre les citoyens et la classe politique ? Les conflits ont certainement aggravé la crise de crédibilité qui existe entre les citoyens et la classe politique. Cela était perceptible lors des dernières élections locales marquées par une guerre atroce pour la désignation des candidats. Les militants proposés par « la base » ont été rejetés par les états-majors des partis qui vivent généralement dans une bulle et ne connaissent pas les véritables problèmes de la société. A chaque rendez-vous électoral, les dissensions augmentent et se font sur la place publique. L'opinion publique ne peut pas méconnaître ce fait. Comment analysez-vous les problèmes que connaît actuellement le RCD ? Le fait que le même dirigeant soit à la tête de ce parti depuis deux décennies participe-t-il à créer un climat de tension ou est-ce que c'est plus profond que cela ? Il y a évidemment un facteur interne lié au problème de leadership. Le fait qu'il n'y ait pas de renouvellement générationnel ravive les tensions. Toujours est-il que la part structurelle est importante. Les partis sont « noyautés » par le système. Si le parti refuse d'être au garde-à-vous, il aura des problèmes. Que pensez-vous de l'idée, relayée par les organes de presse, de la création d'un parti par le frère du Président ? A la veille des élections de 1999, j'avais déclaré que l'Algérie se dirige vers un parti unique. Cela se confirme aujourd'hui. Ce parti devra veiller à la pérennité du groupe au pouvoir. Il semble aujourd'hui que l'élite algérienne n'a pas d'idéologie ni de principe politique. De nombreux militants rejoindront les rangs de ce parti, d'autant qu'il y aura, selon l'expression populaire, « à boire et à manger ». L'Algérie deviendrait ainsi un pays « normalisé » comme les autres pays arabes. Ce parti devrait être soutenu par les puissances étrangères qui cherchent généralement la stabilité politique au détriment du développement.