L'on a du mal à percevoir l'après-élection en Irak où, comme prévu, la guerre se poursuivait hier avec le sabotage d'un oléoduc, et la persistance de la violence avec son lot de victimes. Ce que l'on sait du plan mis en œuvre par les Américains depuis juin 2004, c'est l'entrée de l'Irak dans une nouvelle période de transition, avec cette fois des enjeux plus sérieux, voire fondamentaux pour l'avenir politique et institutionnel du pays. Alors que se renforcent les ambitions des uns pour le pouvoir et l'amertume des autres, voire leur crainte de subir à leur tour, l'hégémonie des autres, les Etats-Unis souhaitent voir la communauté internationale « s'unir » pour aider l'Irak après les élections de dimanche, et se refusent à penser en termes de « stratégie de sortie », a déclaré mardi la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice. Un tel vœu intervient comme un aveu que ce scrutin, quoi que disent les chancelleries, n'a pas scellé l'avenir de l'Irak et n'a pas levé les incertitudes. Juste quelques mots pour rappeler que ce n'était pas une fin en soi. Mme Rice a indiqué que ce serait l'un de ses messages lors de la tournée d'une semaine qu'elle entame aujourd'hui dans huit pays d'Europe (Grande-Bretagne, Allemagne, Pologne, Turquie, Italie, France, Belgique, Luxembourg) ainsi qu'en Israël et en Cisjordanie. La chef de la diplomatie américaine a estimé que la mobilisation des Irakiens pour l'élection devait inciter à « s'unir en faveur d'un Irak qui soit stable, qui ne soit plus une menace ». La question principale est éludée. Les Irakiens, apprend-on ainsi, se sont rendus massivement aux urnes en réponse aux appels de leurs leaders politiques et spirituels qui entendent récupérer le pouvoir après que les Américains les aient débarrassés de leur ancien ennemi, c'est-à-dire Saddam Hussein. C'est cet exercice du pouvoir qui permettra de connaitre l'avenir de la présence américaine en Irak que l'on dit réglée depuis au moins six mois à travers un échange de lettres entre l'ancien secrétaire d'Etat US Colin Powell et Iyyad Allaoui dès la nomination de ce dernier au poste de Premier ministre en juin 2004. Tout donc a été préalablement ficelé, ce qui devrait permettre aux Américains de se prévaloir de cet engagement comme garantie pour l'avenir. Mais visiblement, les Américains, accusés de ne pas avoir de stratégie, s'engagent dans une nouvelle campagne pour au moins combler un déficit en légitimité. « Je pense réellement que ces élections, et ce que le peuple irakien a démontré à cette occasion, donnent à la communauté internationale une nouvelle opportunité de se rassembler pour les aider », a-t-elle déclaré. « Je pense que nous devons nous demander ce que nous pouvons faire, le plus vite possible, pour que les Irakiens puissent être autosuffisants et leur apporter le soutien dont ils ont besoin pour bâtir un pays stable et démocratique », a-t-elle ajouté. Alors que les quelque 150 000 soldats américains présents en Irak font toujours face à une situation difficile, elle a laissé entendre qu'elle ne s'attendait pas à des revirements spectaculaires de la part de pays comme la France et l'Allemagne qui se sont opposés à la guerre et refusent d'envoyer des troupes. Toutefois, il y a au sein de la communauté internationale « une évolution continue pour aider davantage les Irakiens, et je pense que cela va se poursuivre », a estimé la nouvelle secrétaire d'Etat. Quant aux Irakiens, ils devront encore attendre quelques jours pour connaître ceux qui auront la charge de rédiger la nouvelle Constitution, et par conséquent, les probables combinaisons qui éviteraient l'exclusion des vaincus et surtout des absents aux élections de dimanche. Le dépouillement se poursuivait hier, tout comme les tractations.