L'organisation internationale caritative Care a suspendu hier ses opérations en Irak. L'Irak demeure soumise au régime de la violence, une violence autant officielle, par la récurrence des raids sur Falloujah, six morts hier, que par les attentats et attaques de la résistance et de la guérilla, de même que par la poursuite des enlèvements de personnes, comme cela a été le cas hier avec le rapt de Mme Margaret Hassan, responsable du bureau irakien de Care, Organisation internationale caritative. Cet enlèvement survient à quinze jours de la décapitation du Britannique Kenneth Bigley, enlevé en septembre en même temps que deux Américains, également décapités. Ce nouvel enlèvement accentue le chaos et le désordre qui sont devenus l'image de marque de l'Irak du gouvernement intérimaire qui, à l'évidence, malgré les déclarations pompeuses de ses responsables, ne contrôle rien dans le pays et dont la mission essentielle est encore de servir de couverture aux actions de l'armée d'occupation américaine. De fait, depuis la prise de pouvoir en juin dernier par le gouvernement du Premier ministre intérimaire, Iyad Allaoui, la situation en Irak n'aura jamais été autant chaotique, la violence atteignant des sommets depuis le début de l'été, avec notamment la multiplication d'une nouvelle calamité, les enlèvements des étrangers et des nationaux irakiens, dont plusieurs ont été égorgés ou décapités par leurs ravisseurs. Aussi, Margaret Hassan, court-elle de graves risques de se voir à son tour assassinée. Mme Hassan, qui vit en Irak depuis 30 ans, bénéficie d'une triple nationalité, irlandaise d'origine, britannique et irakienne de par son mariage avec un citoyen irakien. Ce dernier, Tahsin Al-Hassan, a déclaré hier à la chaîne qatariote Al-Jazeera, décrivant les circonstances du rapt: «Quand ma femme s'est approchée de son bureau, deux voitures ont entouré son véhicule. Les ravisseurs ont attaqué le conducteur et pris le contrôle de sa voiture, l'emmenant vers une destination inconnue». Après cet enlèvement, l'organisation caritative Care a décidé de suspendre ses opérations en Irak. De fait, celles-ci sont menées uniquement par un personnel irakien, évalué à trente personnes, depuis le départ, en novembre dernier, de leurs collègues étrangers après la vague d'enlèvements et d'assassinats touchant les étrangers. Londres et Dublin ont immédiatement réagi à cet enlèvement exprimant leur inquiétude et affirmant qu'ils feraient tout «leur possible pour assurer la libération de Mme Hassan». Par ailleurs, la violence s'est poursuivie dans différentes régions du pays avec des attaques et des attentats, comme celui d'hier sur la route de l'aéroport de Bagdad qui s'est soldé par la mort du kamikaze, alors qu'une bombe a endommagé un Humvee américain dans le périmètre de l'aéroport. Une série d'attaques a occasionné, mardi, la mort de cinq personnes alors que l'on relevait une centaine de blessés. L'Irak présente bien l'image qui est actuellement faite de lui, un pays en proie à la guerre avec son lot de rapts, de meurtres et d'horreurs comme les égorgements de personnes innocentes, victimes autant de l'invasion américaine que d'une guérilla qui tue sans discernement. C'est sur ce fond de chaos qu'intervient la quête des Etats-Unis demandant à Londres de déployer des soldats au nord de l'Irak, alors que les Britanniques étaient, jusqu'ici, cantonnés dans le sud du pays dans la province de Bassorah. En Grande-Bretagne, les avis étaient partagés et le Premier ministre Tony Blair, de nouveau sur la sellette, est critiqué de toutes parts. M.Blair a soutenu, pour sa part, que ce redéploiement de l'armée britannique «n'a rien à voir avec l'élection présidentielle américaine, mais tout à voir avec les élections irakiennes». Les médias britanniques accusent Tony Blair de vouloir donner «un coup de main» au président sortant américain, George W. Bush, en difficulté dans sa campagne électorale pour le scrutin du 2 novembre. Le Premier ministre britannique a, par ailleurs, assuré, sans autre explication, qu'«il s'agit d'une requête de militaires, des militaires américains aux militaires britanniques, basée sur des raisons opérationnelles». Cet appel de renfort de la part des Américains est autant un aveu d'échec à rétablir l'ordre dans la partie de l'Irak gérée par l'armée américaine, que le fait que la décantation est loin d'être faite alors que les élections de janvier demeurent incertaines, au moment où le bourbier irakien prend chaque jour de l'ampleur.