«Je suis déterminé d'abord, comme je m'y suis engagé, à poursuivre et à approfondir la démarche de réconciliation nationale», a-t-il tenu à déclarer dès l'entame de son discours d'investiture. Contrairement à ses déclarations de campagne, le président Bouteflika, qui inaugurait son 3e quinquennat, a soigneusement évité de prononcer les «mots qui fâchent». L'amnistie générale, cheval de bataille du président candidat durant son périple électoral à travers le pays, disparaît du vocable présidentiel et fait place à une enveloppe plus «light», plus rassurante. Dans son discours à la nation, prononcé devant les représentants des chancelleries étrangères, Abdelaziz Bouteflika a joué, sur ce dossier précisément, la carte de la prudence. Il s'agit pour lui de «poursuite» et «d'approfondissement» du processus de réconciliation nationale. Laquelle démarche, rappelle-t-il, a été plébiscitée par une majorité d'Algériens. «Une démarche que le peuple algérien a massivement soutenue, qui a permis le retour à la paix civile et qui devra, dans l'avenir, contribuer essentiellement à raffermir la cohésion sociale et à garantir la pérennité de l'unité nationale.» Dans son discours, soigneusement compacté, expurgé des habituelles digressions et donné dans un style chirurgical, le président Bouteflika s'abstiendra de dévoiler le contenu de sa prochaine feuille de route. Les seuls éléments avancés l'ont été durant la campagne électorale. Bouteflika annoncera précautionneusement la couleur à Tlemcen à l'occasion d'un de ses premiers meetings électoraux. «Durant le troisième mandat, dit-il, la réconciliation nationale sera encore plus vaste, mais les intéressés (repentis ou terroristes encore en activité, ndlr) doivent être patients. Déjà que j'ai eu du mal à convaincre le peuple de pardonner… et puis la réconciliation sera suivie d'aides (lire El Watan du 22 mars 2009).» A Tamanrasset, quelques meetings plus loin, il «lâchera» enfin le mot et nommera l'ogre. «L'amnistie n'interviendra qu'une fois que chacun (des terroristes) aura définitivement et totalement déposé les armes et se sera rendu aux forces de sécurité», a indiqué le 28 mars le candidat Bouteflika. «C'est à cette condition que les cœurs s'attendriraient et laisseraient la place à la clémence puis à une éventuelle amnistie», a-t-il estimé en précisant qu'il s'exprimait «au nom du peuple» et en tant que «responsable». A Guelma, Souk Ahras, Tiaret, Tébessa, etc., Bouteflika martèlera le même message : «Je suis déterminé, déclarait-il à Guelma, à poursuivre le plus loin possible la réconciliation nationale et (…) les portes de la clémence resteront ouvertes pour ceux qui optent pour la paix.» 3 mandats, 3 référendums A Alger, l'apothéose : «Il n'y aura pas d'amnistie générale sans référendum, car c'est le peuple qui pardonne et nous ne ferons qu'appliquer, en toute souveraineté, sa décision», a déclaré Bouteflika lors de la cérémonie de clôture de sa campagne électorale. Il souligne qu'une telle amnistie n'interviendrait qu'après «la reddition définitive et complète des derniers groupes terroristes qui sévissent encore». Si référendum sur l'amnistie générale il y aura, ce sera le 3e pour Abdelaziz Bouteflika. Bouteflika sollicitera fort probablement le vote populaire comme cela s'est fait en 1999 (loi sur la concorde civile) et en septembre 2005 (charte pour la réconciliation nationale). Il pourrait tout aussi «décréter» l'amnistie générale. La grâce amnistiante a été décrétée une première fois en 2000 (décret exécutif du 10 janvier 2000) en faveur des terroristes de l'Armée islamique du salut. Le décret de grâce amnistiante vient formaliser un accord, officiellement qualifié de «trêve unilatérale», intervenu en 1997 entre l'armée et l'AIS et dont les termes sont maintenus secrets à ce jour. 6000 terroristes auraient rendu les armes à l'issue de cette «trêve». Opération lourde et compliquée à concevoir, l'amnistie générale déchaîne la furia des familles victimes du terrorisme et des organisations de défense des droits de l'homme. Maître Mustapha Bouchachi, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, considère (El Watan du 31 mars 2009) que le droit à la «vérité», à la «justice» et la réparation doivent primer sur toute autre démarche consacrant l'impunité. «On n'a pas le droit d'amnistier avant de faire toute la lumière sur ce qui s'est passé chez nous. La vérité et la justice d'abord», disait Me Bouchachi. En avril 2005, quelques mois avant le référendum sur la charte pour la réconciliation nationale, trois organisations internationales de défense des droits de l'homme ont signé un communiqué commun pour dénoncer «l'impunité légalisée». «L'amnistie conduisant à une impunité pour les crimes contre l'humanité et autres violations sévères des droits de l'homme, comme la torture, les exécutions extrajudiciaires, les ''disparitions'' vont à l'encontre des principes fondamentaux du droit international», notaient dans leur communiqué Human Rights Watch (HRW), Amnesty International (AI) et la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH).