Après Le fleuve détourné de Rachid Mimouni, Omar Fetmouche vient d'adapter au théâtre le roman Les vigiles de Tahar Djaout. Dans cet entretien, le metteur en scène de la pièce, présentée récemment à Tizi Ouzou, revient sur cette production et dévoile ses projets à la tête du Théâtre régional de Béjaïa. Pourquoi Les vigiles et pas un autre roman de Tahar Djaout ? Nous avons déjà fait Le fleuve détourné de Rachid Mimouni et on prévoit de monter sur scène Le foehn de Mouloud Mammeri. Nous avons monté également deux pièces avec Hadjira Oulbachir. Pourquoi Les vigiles ? Sincèrement, j'allais opter pour L'invention du désert, mais j'avoue que c'est un spectacle trop complexe. Il y a une écriture éclatée. J'ai préféré Les vigiles, parce que sur le plan de l'écriture du roman, il s'inscrit dans une dramaturgie très simple. C'est peut-être l'un des romans rares de Tahar Djaout où il a respecté le moule aristotélicien sur le plan de l'écriture. C'est-à-dire, tu vois l'évolution du personnage principal du début jusqu'à la fin du roman. C'est une écriture linéaire qui obéit à une structure dramaturgique de manière générale (l'évolution du personnage, son objectif, les protagonistes, les opposants et les adjuvants sont clairs). Elle s'inscrit parfaitement dans l'écriture dramaturgique telle que nous la concevons au niveau de l'écriture théâtrale. Je ne dirais pas que c'était facile, mais je dirais qu'il y avait énormément d'éléments dans l'écriture romanesque qui a aidé à l'écriture. Djaout c'est aussi un hommage aux journalistes et écrivains assassinés. Il était à la fleur de l'âge. C'est le prince des poètes. J'ai parlé tout à l'heure de cette thématique qui est criarde. Donc quelque part, Les vigiles réunissait tous les éléments pour qu'il soit un roman à adapter. Si j'avais à travailler sur L'invention du désert ou Les chercheurs d'os, cela prendrait beaucoup plus de temps et un travail titanesque au niveau de la mise en scène. Je voudrais aussi dire que sur le plan de la mise en scène, et vous avez dû le constater, il y a l'espace de la narration, du roman où on voit évoluer la fille, la chanteuse et la narratrice et l'espace de la représentation qui est le plancher à l'intérieur du métier à tisser. On a voulu créer ces deux espaces pour essayer de nous rapprocher au maximum de l'œuvre originale. On voulait être fidèles à l'œuvre de Tahar Djaout. C'est quelque chose d'indispensable pour n'importe quel dramaturge. Au delà de ce travail, de l'hommage à Djaout, nous avons aussi voulu marquer une halte en hommage à tous les journalistes assassinés. C'est pour cela que le public a vu défiler à la fin de la représentation un certain nombre de photos des victimes du terrorisme. C'est une reconnaissance des hommes de théâtre à ces grands messieurs de la plume. Des projets en perspective ? Oui, pour le Théâtre régional de Béjaïa, nous aurons Le foehn de Mouloud Mammeri qui a été confié à Djamal Abdeli. Le travail est en préparation. Nous avons aussi engagé une équipe pour la traduction de la pièce Les vigiles en tamazight. On nous a promis la première lecture d'ici le mois d'août. Si elle serait prête, nous n'aurons pas de problèmes puisque l'équipe est la même. Les comédiens maîtrisent aussi bien l'arabe algérien que le kabyle. Au-delà de l'aspect de la langue, le théâtre et la représentation restent quand même l'image de tout ce qui est visuel, beauté et esthétique.