Le défi a été relevé avec brio par des hommes et des femmes de talent et d'une compétence indéniable. Après l'exploit qu'a connu l'adaptation du roman du défunt Rachid Mimouni Le Fleuve détourné (Grand prix du festival du théâtre professionnel 2007), Omar Fetmouche, directeur du TRB (Théâtre régional de Béjaïa) et metteur en scène revient au devant de la scène avec sa nouvelle adaptation du roman du défunt Tahar Djaout en hommage à ce grand écrivain assassiné en 1993. La générale a été présentée jeudi soir devant un public nombreux que la grande salle de la Maison de la culture avait du mal à contenir. Assurant à la fois l'exploitation théâtrale et la mise en scène, Omar Fetmouche a présenté avant-hier une oeuvre d'une grande qualité. Le défi a été relevé avec brio par des hommes et des femmes de talent et d'une compétence incontestable, sachant que le passage du registre romanesque à celui de la dramaturgie n'est pas chose facile. Mais l'expérience du Fleuve détourné qui a été couronnée, était plus qu'encourageante. «En dépit des difficultés, nous sommes heureux aujourd'hui d'avoir réussi ce qui paraissait au départ comme un défi», commentait-il hier. Représenté en deux moments, la narration romanesque faite par une fillette au talent de lecture incontestable et le jeu de rôle proprement dit, le spectacle était de haute facture, comme en témoignent ces longs et incessants applaudissements d'une assistance jamais connue pour le théâtre de par le nombre mais aussi de par la qualité. Un public qui est resté en communion du début jusqu'à la fin de la représentation. Debout, le public n'a pas cessé durant un long moment d'applaudir les acteurs. Jeudi soir, les Bédjaouis se sont déplacés au théâtre avec leurs familles. Des moments de théâtre coupés de lecture du roman via des lectures de passages, un tout, tout à fait sublime. Une harmonie dont seul le metteur en scène et réalisateur connaît le secret. Les comédiens Farid Cherchari, Kamel Chamek, Belkacem Kaouane, Rachid Maâmeria, Djohra Dereghala, Ahcène Azezni, Mounia Aït Meddour, Nassima Kedjtoul et Nassim Mohdeb ont interprété les principaux rôles dans cette pièce dramatique qui raconte les doutes, les suspicions et les lacunes de l'Algérie indépendante. Ils ont su jouer merveilleusement leur rôle dont le principal a été confié à Farid Cherchari. La musique est signée par Bazou. Tout ce beau monde s'est incontestablement astreint à un exercice délicat pour sauvegarder la profondeur du message de Djaout. La trame tourne autour de Lamdjad, la victime désignée du système policier qui le broie. Son invention (un métier à tisser rénové), est considérée comme un projet de déstabilisation du pays s'attirant toute la suspicion des rouages administratifs dont les vigiles veillent sur les fortunes rentières. Soumis à une enquête interminable pour l'obtention d'un passeport. Il finit par prendre part en Allemagne à une foire d'inventions pour obtenir un prix. Menouar Ziyad, ancien maquisard, victime du même système, se réfugie dans son enfance et s'y suicide. On a eu à assister à une pièce, qui se distingue par une alternance harmonieuse entre le jeu théâtral et la lecture de l'oeuvre par fidélité à l'esprit et à l'authenticité de l'auteur, faite par Kenza à vous couper le souffle. Le tout enveloppé dans une musique qui fait appel aux mélodies de Matoub Lounès dans l'une de ses chansons en hommage aux journalistes et hommes de culture assassinés durant la tragédie nationale S'agissant d'un hommage au génie littéraire et au talent visionnaire de Djaout, celui-ci fut majestueux. Un grand bravo à tout l'équipe du TRB. Notons que la pièce sera présentée au TNA le 31 mai. Hier, une séance a été réservée aux étudiants.