Dans les années 1980, les quelques journaux étatiques existants étaient mis sous étroite surveillance. Dans chaque rédaction, on place un ou plusieurs agents du Bureau de sécurité et de prévention (BSP), une antenne organique de l'ancienne Sécurité militaire (SM). Dans son essai intitulé « Encre rouge » (édition El Watan 2001), le journaliste Ahmed Ancer a noté : « La presse a été surveillée par les services de sécurité durant toute la décennie 1980. Les rapports qu'ils présentaient avant toute désignation d'un directeur général et certainement des rédacteurs en chef des médias les plus importants étaient déterminants. L'auteur de Encre rouge a même remarqué « des compétitions serrées, notamment entre appareils du FLN, direction générale de la Sûreté nationale (police) et la DGPS (police politique) ». Celle-ci, selon Ancer, « agissait à visage découvert au niveau des lieux de travail à partir de la création officielle ses Bureaux de sécurité et de prévention (BSP) dans les entreprises et les administrations ». Plus loin, l'auteur a révélé que les responsables de ces bureaux ont été désignés parmi les journalistes qui acceptaient de se faire recruter contre quelques prébendes et avantages en nature... Quel était le rôle des BSP dans les rédactions ? « Espionner les collègues, les intimider afin de déjouer toute velléité de grève ou de protestation et de guetter toute “sensibilité politique organisée » pour reprendre la terminologie consacrée à l'époque”, souligne Ahmed Ancer. Selon un autre ancien journaliste d'El Moudjahid, la personne fichée est immédiatement marginalisée. « Elle sera exclue de toute promotion et de tout poste de responsabilité au sein de la rédaction », a-t-il affirmé. Le journaliste ciblé est soumis à un régime à la limite de l'humiliation. « Ses écrits sont passés au peigne fin », révèle encore notre interlocuteur en précisant que « le BSP du journal travaille en concertation avec la direction du journal et le BSP du ministère de la Communication ». Le pouvoir a ainsi mis en place une redoutable machine trilatérale pour traquer les éléments susceptibles d'être une source de subversion aux yeux du Pouvoir, notamment les militants communistes ou ceux qui furent appelés « les berbéro-matérialistes ». A titre d'exemple, dans un journal francophone de l'époque, une liste de 18 journalistes, jugés politiquement incorrects, a été dressée et transmise au BSP du ministère pour des mesures qui devaient aboutir au licenciement. Cela n'a pas eu lieu en raison, probablement, de l'absence d'un consensus en haut lieu. Après la création du Mouvement des journalistes algériens (MJA) en 1988, la Délégation générale à la prévention et la sécurité (DGPS) a tout fait pour « caporaliser » le mouvement. « La DGPS surveillait le mouvement depuis sa naissance. En tout les cas, elle ne voyait pas ses activités d'un bon œil depuis l'explosion sociale de l'automne (les événements du 5 octobre 1988 ndlr) », souligne également Ancer dans son livre. Le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) qui a remplacé en septembre 1990 la DGPS n'a pas dérogé à la règle.