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LAGHOUAT
LUTTE ANTIACRIDIENNE Les criquets ont tout ravagé
Publié dans El Watan le 13 - 07 - 2004

Après avoir réduit à néant l'arboriculture et les maraîchages, le criquet pèlerin risque de se rabattre sur les cultures céréalières épargnées jusque-là. « La situation est maîtrisée », déclare-t-on au niveau du PC de la lutte antiacridienne sans autre précision. Entre temps, le premier barrage de Hassi R'mel a cédé dès le début du mois de juin en dépit des moyens mis en œuvre.
Depuis, signe avant-coureur, le recours à l'aliment du bétail, auquel personne ne songeait en raison d'une pluviométrie exceptionnelle, est de rigueur en zone présaharienne. A l'endroit des parcours qui s'étendent de Hassi R'mel jusqu'à Tadjrouna, il n'y a plus que des tiges décharnées. Alors que l'attention était braquée sur Sidi Makhlouf, l'apparition des premières larves, de pigmentation noire, au niveau du barrage infro flux de Tadjmout n'inquiétait pas outre mesure. Personne ne se doutait que les aires de pontes s'étendaient tout le long du synclinal d'Aflou, soit à plus de 100 km de Boualem , à l'ouest, et jusqu'à Oued Mzi, à l'est. Les larves pullulent au niveau des sources, cours d'eau et puits, pour dire que la plus grande part des éclosions a eu lieu au niveau du sanctuaire humide d'El Gaâda. C'est face à l'invasion combinée de larves, individus immatures et spécimens ailés, que les agriculteurs de la plupart des ksour et villages situés au sud de l'Atlas ont baissé les bras et il est encore tôt pour se faire une idée sur les dégâts occasionnés. Après avoir dévasté les vergers, l'arboriculture, les maraîchages et cultures vivrières tant à Laghouat, Tadjmout, Rbaig, Aïn Madhi, Taouiala, Oued Morra, El Ghicha, Sebgag qu'à Brida, les criquets ailés s'en prirent au reste. « C'est la première fois de ma vie que je vois des pins nus ; ni les eucalyptus, ni les peupliers, ni les lauriers roses, ni même l'alfa n'ont été épargnés », affirme un montagnard. Même spectacle de désolation à Taouiala, où il ne reste plus rien des vergers luxuriants. La principale ressource, tel l'abricot (très prisé par des clients de l'est du pays), est perdue, les figuiers, eux, ont été dévorés jusqu'à l'écorce ; paysage lunaire, c'est « l'automne en plein été », dit-on. Ahmed n'ose plus regarder en direction de la rivière, il n'y a plus que des larves et des scorpions. Comme beaucoup d'autres, il quittera sa maison au vieux ksar envahi par les criquets. Au nord -ouest et pour la énième fois, à très haute altitude, un nuage diffus : un essaim fort de plusieurs millions d'individus a survolé la ville d'Aflou. Le passage a duré tout l'après-midi et les résultats ne se sont pas fait attendre. Tour à tour, Hadj Mechri, Brida, Gueltat, Aïn Sidi Ali ont été infestés ; à Sebgag (zone humide), les sources limpides du Chélif ne sont plus que des mares noirâtres, nauséabondes. Après une semaine de lutte acharnée, la mort dans l'âme, les fellahs durent se rendre à l'évidence que c'était peine perdue. Au bout de deux jours, les larves réduiront à néant, les cultures de petits pois, de haricot vert, de potiron, de courge et d'oignons, seul l'ail a été épargné.
Un combat de tous les jours
Pour leur part, les investisseurs et producteurs de pomme de terre venus de Mascara et de Aïn Defla continuent de résister. Nouvellement installés, attirés par la possibilité de production de soudure (arrière-saison), ils s'affairent depuis plus d'un mois à clôturer des centaines d'hectares à l'aide de rouleaux de plastique. Le procédé efficace contre les larves n'est d'aucune utilité face à la voracité des ailés roses. Cependant, ils continuent de mener une lutte sans merci contre les vagues successives de larves. « C'est une véritable guerre chimique qu'on livre aux criquets. On est allé traquer le criquet au sein même d'El Gaâda, pulvérisant plus de 70 l d'insecticide par jour, dilué à raison de 200 l la dose au lieu des 400 recommandés, mais en dépit du nombre incalculable de larves éliminées, on n'a réussi qu'à retarder de quelques jour l'invasion », affirme-t-on. Partout où l'on passe, ça sent le poisson pourri, quelques gouttes de pluie suffisent à rendre les routes dangereuses en raison de la bouillie de criquets. Alors que le cycle de retour vers le pays du Sahel semble enclenché, l'éclosion des pontes se poursuit de manière échelonnée. L'ampleur de l'invasion est telle qu'en dépit des moyens mobilisés, on semble incapable d'enrayer les populations de larves de différentes pigmentations (noires, vertes et jaunes) signalées en milieu urbain tant au niveau des hôpitaux, des écoles et des administrations. Dans ce désordre général, certains ont déjà tout perdu. Bien qu'épargnés, d'autres savent qu'ils ne pourront rien face à des essaims de criquets en direction du Sahel. Il y a aussi ceux qui ne se plaignent pas ; ils refusent de s'en prendre aux criquets, à l'image de ce paysan qui, devant nous, prend délicatement une femelle entre ses doigts et la supplie de convaincre ses congénères de quitter son champ. Juste à côté, Abdelkader continue de taper sur son bendir sous un soleil de plomb convaincu que les criquets s'en iront d'eux-mêmes et que son procédé est le plus écologique. Pour lui comme pour d'autres, l'invasion a eu lieu dès le mois d'avril. « Maintenant, il faut prier Dieu pour que le criquet ne parvienne pas au Nord, on risque de perdre plus que des récoltes », dit-il.


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