Les tractations battent leur plein autour de la formation du nouveau gouvernement au Liban. Et les surprises en ce sens ne manquent pas. Les délais pour la formation du nouveau cabinet seront certes respectés, mais ce n'est pas pour l'immédiat. C'est le chef de l'Etat libanais lui-même qui en a fait l'annonce, précisant que le chef du gouvernement sortant, Fouad Siniora, et son cabinet assureront la transition jusqu'à la formation d'une nouvelle équipe. C'est que, au Liban, on se soucie beaucoup d'une solution qui offrirait une plus large coalition ou encore un gouvernement d'union nationale. C'est pourquoi tous les leaders de la classe politique libanaise se lance dans cette bataille. A commencer par cette inédite rencontre de réconciliation, la semaine dernière, entre le chef du Hezbollah et le leader druze du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt, figure également du mouvement majoritaire du 14 mars. Objectif ? Rapprocher les visions sur un gouvernement d'union nationale au Liban. Dans un communiqué, le Hezbollah précise que les deux hommes ont décidé de faire passer le Liban « d'un état de crise à un état de coopération ». Les tensions entre les partisans de Hariri et Joumblatt et les militants du Hezbollah – qui avaient débouché sur une flambée de guerre urbaine dans Beyrouth, en mai 2008, qui avait fait 81 morts – semblent n'être qu'un mauvais souvenir. Le Hezbollah s'est prononcé à maintes reprises en faveur de la formation d'un « gouvernement d'union nationale » assorti cependant d'un droit de veto à l'alliance minoritaire qu'il dirige et qui comprend le mouvement de l'ancien général chrétien Michel Aoun. Et dans ce concert de réconciliation, même les partenaires étrangers du Liban se joignent à l'initiative. En témoigne la rencontre entre le haut représentant de l'Union européenne pour la politique extérieure, Javier Solana, et un député du Hezbollah au cours d'une visite au Liban. Le diplomate espagnol, qui s'est entretenu dans l'enceinte du Parlement libanais avec le député Hussein Hajj Hassan, a déclaré que « le Hezbollah fait partie de la société libanaise. Il est représenté au Parlement et il aura des responsabilités ». Pour son interlocuteur Hussein Hajj Hassan, cette réunion était l'expression de « plus d'ouverture et d'un niveau d'ouverture supérieur de la part de l'UE vers le Hezbollah ». Il a estimé qu'avec cette rencontre, l'UE adoptait une attitude « plus réaliste » vis-à-vis du Liban. Peu après, c'était au tour de l'ambassadrice de Grande-Bretagne au Liban, Frances Guy, de rencontrer le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad. Une autre première puisque Londres n'avait plus de contacts officiels avec le Hezbollah depuis 2005 et a inscrit sa branche militaire sur la liste des groupes terroristes. Mais en mars, le ministre britannique des Affaires étrangères, David Miliband, a annoncé avoir autorisé des contacts à un niveau subalterne avec ce parti. Il y a donc une volonté de n'exclure aucune partie libanaise du champ politique, au risque d'aller vers une nouvelle crise. Mais à quelle condition, surtout que les élections législatives du 7 juin encore enfermées dans le carcan confessionnel du Pacte national de 1943 fixant avec précision les sièges dévolus aux différentes communautés n'ont pas modifié le paysage politique ? Tout juste fallait-il empêcher un glissement de la majorité parlementaire, ce qui explique le jeu au sein de la communauté chrétienne en vue de faire échouer les candidats du parti de Michel Aoun. M. Joumblatt semble avoir compris les enjeux en déclarant : « Au-delà des slogans de campagne évoquant la coalition du 14 mars contre celle du 8 mars, en pratique, on s'est retrouvé avec d'un côté trois communautés – les sunnites, les druzes et les chrétiens, même si ces derniers sont divisés – et de l'autre côté les chiites. C'est dangereux. D'où la nécessité de dialoguer. » Dialoguer, tout le monde en convient mais lui s'oppose à la minorité de blocage qui, selon lui, « a paralysé tout le pays. Il faut sortir de l'impasse politique et commencer à penser social, économie… ». C'est d'ailleurs le sens même de la négociation qui consiste à trouver des formules pour contourner les obstacles, car comme le relève un politique libanais, la victoire de la majorité sortante ne signifie « pas grand-chose ». Et d'ajouter que « l'accord signé à Doha entre les différentes factions politiques libanaises après les affrontements de mai 2008 a redéfini un statu quo. Il sera observé jusqu'à nouvel ordre et les élections législatives n'y changent rien ». Il faut attendre les négociations pour la formation du nouveau gouvernement. Les discussions sont censées durer un mois, mais elles pourraient tout autant s'éterniser. C'est là l'une des particularités du Liban, avec des blocages institutionnels que les Libanais vivent la peur au ventre, à la différence d'autres pays qui eux ne connaissent ni violence ni assassinats politiques.